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A table ! Le chef est une femme: Fatema Hal
La cheffe Fatema Hal est une ethnologue qui s'est formée en autodidacte à la cuisine dont elle a fait son métier. Son crédo: faire découvrir, surprendre et rendre les gens heureux avec sa cuisine. Elle sera le 7 juillet 2018 au premier festival des cuisines africaines «We eat Africa» avec 15 autres chefs, présents pour faire découvrir la cuisine africaine, du Nord au Sud.
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Fatema Hal est née à Oujda, une ville marocaine proche de la frontière avec l'Algérie, et pas très loin du maroc espagnol.
Elle est l'enfant de la famille qui marche le mieux scolairement. A tel point que, quand elle approche de la cuisine pour mettre la main à la pâte et aider sa sœur, on l'en chasse: elle n'a rien à y faire en tant que fille qui réussit dans ses études. Elle reste à Oujda pendant tout son secondaire et part poursuivre un cursus universitaire en France. En fait, elle s'y marie, a trois enfants et une fois seulement les enfants élevés, Fatema Hal reprend ses études. Elle étudie la littérature arabe d'expression française et l'ethnologie à l'EHESS.
Les tribulations d'une hyperactive
Dans le même temps, elle se bat pour la cause féminine, milite à «Inter service migrants interprétariat», où elle sert d'interprète arabe-français dans les hôpitaux et les PMI (Centres de Protection maternelle et infantile). Chargée d'études sur le terrain, elle fait aussi de l'animation culturelle, donne des cours d'arabe dans les banlieues, a une grande implication dans les milieux associatifs. Elle réalise un programme «femmes» au niveau national qui la fait repérer et la conduit au ministère du Droit des femmes d'Yvette Roudy. Tout cela en continuant ses études et élevant ses enfants.
Un restaurant qui fait recette
Puis dans un désir de liberté et une volonté de créer son entreprise, elle commence l'aventure du Mansouria, son restaurant. Il lui fait prendre conscience que les recettes ne sont pas écrites. Un chantier ne suffisant pas à cette hyperactive, elle entreprend donc de recenser les recettes de cuisine marocaines.
Dix ans d'allers-retours entre la France et le Maroc, d'entretiens avec de vieilles femmes, d'observation, de pistes remontées pour retrouver des recettes évoquées dans des textes, mais désormais invisibles sur les tables.
La cuisine au Maroc se transmettait oralement. Paradoxalement, partout dans le monde, l'évolution de la condition féminine a bloqué cette transmission. Ce fut également le cas au Maroc, où les femmes quittant le foyer pour aller travailler ne transmettaient plus les recettes à leurs filles qui étaient à l'école. Une fois ce constat fait, elle s'active parce qu'elle sent qu'il y a urgence. «A la différence des pays occidentaux ou développés qui sont déjà dans l'écriture, avec un langage un peu savant, où on pèse tout et où on sait transmettre les choses rapidement, au Maghreb, on parle cuisine, on parle de la vie, de comment on la fait (la cuisine), on s'étale. Du coup, on évoque d'autres choses et tout à coup, on se souvient de ce que faisait la grand-mère et on retrouve ainsi des recettes qu'on ne voit plus.»
Dix ans pour finir le premier livre, vingt pour le suivant.
Hal of Fame
Son restaurant ouvert depuis plus de 30 ans et 17 livres publiés plus tard, ses positions sont claires sur la cuisine. «Je ne demande pas à l'autre de me ressembler, mais je n'essaye pas de lui ressembler non plus. Je veux l'étonner, le surprendre, pas lui donner à manger ce qu'il connaît déjà!»
Et malgré ses livres de recettes, elle ne s'érige pas non plus en gardienne d'une supposée tradition: «La tradition c'est un moment qui évolue, qui change, parce qu'il y a les modes de cuisson qui changent, il y a le contenant qui change, il y a le goût qui change, les proportions changent... En réalité, tout change et évolue!» Sa quête de et dans la cuisine marocaine n'est jamais terminée. Bien sûr, elle ne découvre plus autant de plats qu'il y a 30 ans, mais elle en découvre encore de temps en temps.
Décorée de plusieurs distinctions tant en France qu'au Maroc, Fatema Hal se sent reconnue et confortée dans les choix qu'elle a faits. Les cuisines africaines sont méconnues, ce qui est nettement moins le cas de la cuisine marocaine qu'elle a grandement contribué à faire connaître depuis longtemps. Elle pense que le festival We eat Africa doit jouer un vrai rôle pour rendre les cuisines africaines moins «étrangères» à la France.
Festival «We eat Africa»,
45 bis, avenue Edouard Vaillant,
92100 Boulogne-Billancourt
Le 7 juillet 2018 de 9h à 18h
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