Afrique du Sud : des trains flambant neufs, mais des voies ferrées inutilisables
Les infrastructures ferroviaires sont à reconstruire en raison de vols de rails et de câbles qui ont atteint des sommets durant le confinement.
Immobilité forcée pour les "trains du peuple" sud-africains. Une cinquantaine de trains ultramodernes sortis de la nouvelle usine Gibela ("monte à bord" en langue zoulou) en banlieue Johannesburg ne peuvent pas rouler. Des rails, câbles en cuivre, et mêmes les briques des gares, ont été pillés durant le confinement lié à l'épidémie de Covid-19.
Des trains ultramodernes
Les premiers trains pendulaires sud-africains sont sortis d’une usine proche de Johannesburg. Ils sont le fruit d’une coopération industrielle entre l'entreprise sud-africaine Ubumbano et le groupe ferroviaire français Alstom.
L'histoire remonte à avril 2014. Prasa, l'agence publique chargée des transports de voyageurs en Afrique du Sud, commande à Alstom 600 trains de six voitures dernier cri, tout confort, avec wifi. Un méga contrat de 51 milliards de rands (3,1 milliards d'euros), auquel s'ajoute la maintenance du matériel pendant dix-neuf ans. "L'Afrique du Sud pourra désormais produire des trains ultramodernes localement et deviendra le centre d'excellence ferroviaire d'Alstom en Afrique", affirmait à l’époque Didier Pfleger, vice-président senior d'Alstom pour l'Afrique.
Mais des trains à l'arrêt
Aujourd’hui, des dizaines de trains rutilants attendent dans un entrepôt de Pretoria... d'être enfin mis sur les rails. Câbles arrachés, gares dépouillées... les chemins de fer sud-africains ont été pillés, mettant une bonne partie du trafic ferroviaire à l'arrêt. Le vide créé par le confinement imposé en avril 2020 pour lutter contre la pandémie de Covid-19 a laissé le champ libre aux vols à grande échelle, indique l'AFP.
Dans le township de Langa, près du Cap, certains ont même élu domicile sur les voies désertées où ont commencé à pousser de petites cabanes en tôle. A Kliptown, un des quartiers historiques de Soweto, la gare qui brasse habituellement des dizaines de milliers de travailleurs chaque jour n'est plus qu'une carcasse vide : toits, portes, fenêtres, tout a été emporté. Même les briques des murs ont été enlevées au burin. Et certains habitants en profitent pour détourner illégalement l'électricité des stations désaffectées vers leurs maisons.
"C'est comme si une bombe atomique avait été larguée ici... Ne restent que les pièces trop lourdes pour être emportées", déplore George Mohlala, 37 ans, un des représentants de la communauté locale interrogé par l'AFP.
"Nous ne fabriquons pas des trains pour en faire des œuvres d'art. Ils ne sont pas faits pour être stockés ou finir dans un musée"
Hector Danisa, PDG de l'usine Gibelaà l'AFP
Selon l'agence sud-africaine Prasa, plus de 80% des gares ont été ravagées pendant que le pays luttait contre la pandémie. Les dégâts se comptent en milliards de rands (plusieurs dizaines de millions d'euros). Le pillage des infrastructures ferroviaires n'est pas nouveau en Afrique du Sud, mais il a atteint des sommets durant le confinement.
"Criminalité économique"
Coincé pendant plusieurs heures dans un train bloqué par le vol de câbles, le président Cyril Ramaphosa avait déjà qualifié le phénomène de "criminalité économique". La population s’est rabattue sur les minibus taxis, plus chers. "Nous aurions dû faire quelque chose pour empêcher ça", reconnaît auprès de l'AFP le président de Prasa, Leonard Mamatlakane. Mais personne ne l'avait vu venir...
Sans rails, sans station ni signalisation, comment vont rouler les trains bleus et blancs flambant neufs d'Alstom ? "Nous allons nous déployer partout, a assuré à l'AFP le ministre des Transports Fikile Mbalula. Nous réparons les infrastructures qui ont été vandalisées."
Un plan de reconstruction
Le pays s'est lancé dans un ambitieux plan de modernisation du réseau, de Johannesburg à Pretoria jusqu'au Cap. La semaine dernière, le ministre a lancé un programme de recrutement d'agents de sécurité ferroviaire, auprès des habitants proches des gares. Et le gouvernement a déjà expédié seize rames au Cap et à Durban, sur la cinquantaine produites depuis 2018.
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