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Cacao : bras de fer entre les confiseurs américains et les producteurs africains

Les planteurs du Ghana et de Côte d'Ivoire accusent les géants de la confiserie de ne pas respecter leurs engagements en matière de commerce équitable. Ils achèteraient massivement en bourse et non plus sur le terrain, afin d'éviter les contraintes.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Récolte des fèves de cacao dans une plantation près de Sinfra dans le centre de la Côte d'Ivoire, le 12 octobre 2019. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Le torchon brûle entre des confiseurs américains, comme Hershey ou Mars, et le Conseil du Café-Cacao (CCC) ivoirien et son homologue ghanéen Cocobod. Les deux organismes reprochent à ces grandes entreprises de la filière de se détourner de l'achat direct, dans le pays, au profit d'achat en bourse. Elles éviteraient ainsi de verser une prime aux producteurs, le différentiel de revenu décent (DRD), gage d'une juste rémunération, comme elles s'y sont engagées.

Prime au producteur

Au départ, il y a un accord sur les prix du cacao entre le Ghana et la Côte d'Ivoire, les deux géants du secteur avec 60% de la production mondiale (20-40). Il s'agit d'imposer, à compter de la campagne 2020-2021, une taxe de 400 dollars par tonne de cacao aux multinationales du secteur.

Grace à celle-ci, le planteur voit le prix de ses fèves augmenté d'environ 20%, autour de 1 000 FCFA le kilo (environ 1,50 euro) pour la Côte d'Ivoire. Un prix considéré comme étant la juste rémunération du planteur grâce à ce "différentiel de revenu décent" (DRD). L'alliance permet ainsi d'éviter une guerre des prix entre les deux pays acteurs majeurs du cacao africain.

La culture du cacao est une ressource essentielle en Côte d'Ivoire et au Ghana, qui représentent 60% de la production mondiale. (SIA KAMBOU / AFP)

Le système a été accepté par les géants du secteur, qui en retour obtiennent des fèves certifiées. A savoir : non-travail des enfants, non déforestation, traçabilité, etc. Une certification qui devient de plus en plus indispensable dans le commerce mondial.

30 000 tonnes achetées à la bourse

Las ! En ce début de campagne cacaoyère, le marché explose avec des achats massifs dans les bourses de New York et Londres. Selon les spécialistes de la filière, le géant américain Hershey a ainsi acheté 30 000 tonnes de fèves en une semaine sur le marché de New York. Des achats effectués sur les stocks et non en direct, sur le terrain. En délaissant le Ghana et la Côte d'Ivoire, Hershey éviterait ainsi, selon ses détracteurs, de payer le fameux DRD, qui sera effectif sur la campagne qui vient de démarrer.

Double-jeu

C'est du moins l'accusation portée par le Conseil ivoirien du café-cacao (CCC) et son homologue ghanéen Cocobod. Ils accusent également Mars, d'avoir lui opté pour d'autres pays fournisseurs. Là encore, il s'agirait d'éviter de payer la prime en se fournissant ailleurs. Joseph Aidoo le patron du Cocobod accuse certains acteurs de mener un double jeu. "Les marques ont ouvertement annoncé leur engagement au DRD (mais) notre intelligence indique que certains déploient des stratagèmes pour le faire dérailler", a-t-il dénoncé selon le site CommodAfrica.

La boutique Hershey de Shanghaï en Chine photographiée le 11 mars 2019. (ZHOU JUNXIANG / IMAGINECHINA)

Bien évidemment, les deux compagnies récusent ces accusations, rappelant au passage que 60% de la production mondiale ne fait pas la totalité de l'offre, et que d'autres pays sont aussi présents sur le marché. Mais disent-elles, elles restent attachées au processus du différentiel de revenu décent instauré dans les deux pays africains.

Coronavirus et chute de la demande

Problème, les belles résolutions de 2019 et la signature du DRD, ont du mal à résister à la conjoncture. Une fois encore, l'épidémie du coronavirus est passée par là. La demande mondiale en confiseries a chuté et le prix du beurre de cacao (qui entre dans 20% de la composition d'une barre chocolatée) a plongé de 17%.

Des géants du négoce comme Cargill ou Olam perdraient 13 FCFA par kilo, selon l'agence Bloomberg. Toujours selon l'agence, certains exportateurs ont déjà arrêté leurs achats en Côte d'Ivoire en raison des prix pratiqués.

On comprend mieux dans ce contexte la réticence supposée des géants du chocolat à vouloir payer un autre surcoût. Alors, les organismes régulateurs africains de la filière menacent les compagnies de ne plus les fournir en fèves certifiées si elles ne jouent pas le jeu du DRD. Une guerre ouverte qui en période de surproduction peut s'avérer dangereuse pour les planteurs.

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