En Afrique de l'Ouest, la construction en voûte nubienne redore le blason de la maison en terre
Ecologiques, économiques et confortables, les maisons en terre sont aussi un moteur pour l'économie locale.
Construire des maisons en terre. Le pari est de taille en Afrique de l'Ouest, où tout le monde rêve d'une maison en parpaings réputée solide, quitte à vivre sous un toit de tôles ondulées, onéreux et inconfortable.
Depuis 1998, Thomas Granier et Séri Youlou, un Français et un Burkinabè, sont les promoteurs d'une technique millénaire : la voûte nubienne. Née en Haute-Egypte et inconnue dans le reste de l'Afrique, "la technique voûte nubienne permet de construire des habitations aux toitures voûtées sans coffrage, avec des matériaux locaux, un outillage basique et des compétences techniques relativement simples", explique le site des deux compagnons. Leur association a remporté le Grand Prix 2020 de l'innovation urbaine Le Monde-Cities.
Confort et économies
En 20 ans, l'association a réalisé près de 4 000 chantiers en Afrique de l'Ouest, dont 700 lors de la seule saison de construction 2019-2020. Des maisons, mais aussi des écoles et des lieux de culte. Contrairement à l'idée reçue, la terre n'est pas moins solide que le parpaing. Et selon ses concepteurs, une habitation en voûte nubienne peut se transmettre sur plusieurs générations.
Ce type de construction semble n'avoir que des avantages. Pas de bois, quand la ressource se fait rare pour cause de déforestation, pas de matériaux importés comme la tôle, le ciment ou l'acier. Les briques de terre qui constituent l'essentiel de la construction, des murs au toit, se fabriquent sur place ou à proximité. La pierre des fondations se taille aussi près du chantier.
Avec ses murs épais pour soutenir la voûte, ses petites ouvertures et un toit recouvert de terre pour assurer l'étanchéité, la maison est aussi mieux isolée des chaleurs du Sahel. La technique bien maîtrisée permet de construire un étage supplémentaire au-dessus de la voûte.
Transmettre le savoir
Le public visé est avant tout rural. Pauvre, il se tourne de plus en plus vers des abris précaires, faits de tôles et de bâches. Or, la terre abonde et la brique séchée au soleil ne coûte que l'effort de la façonner. L'entraide communautaire peut très bien permettre de rémunérer la main d'œuvre, en échange d'un autre service. Ainsi, selon ses concepteurs, le coût d'une maison est 30 à 50% moins élevé qu'en utilisant des parpaings.
L'association a comme fil rouge la volonté de transmettre le savoir-faire en formant sur les chantiers les maçons à cette nouvelle technique. En 2016, Seri Youlou racontait son expérience sur le site Solidarum. "Pour les paysans, ce n'était pas facile d'accepter une construction sans bois, sans paille, sans tôle. Alors on a dit au premier paysan intéressé : 'Si tu peux amener le matériel (terre, rochers), on construit chez toi et en même temps on va trouver quelqu'un à former dans le village pour faire ça avec nous, et ta maison sera la maison témoin.'"
Etre économiquement viable
L'association revendique aujourd'hui 900 ouvriers formés et actifs en Afrique de l'Ouest. Des ambassadeurs prêts à faire connaître la technique de la voûte nubienne et, à leur tour, former des maçons. Car ici on ne parle pas d'humanitaire. L'objectif final est de parvenir à établir un écosystème viable autour de la construction de ces maisons. Seule l'économie de marché peut valider le bien-fondé de la démarche.
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