Ethiopie-Egypte : toujours pas d'accord sur la mise en eau du Grand barrage éthiopien de la Renaissance
Le remplissage des 74 milliards de m³ du Grand barrage éthiopien de la Renaissance menace le débit du Nil, vital pour l’Egypte. Réunis les 8 et 9 janvier 2020 à Addis-Abeba, l'Egypte, l'Ethiopie et le Soudan ont de nouveau échoué à trouver un compromis.
Après deux jours d’âpres négociations, Ethiopiens, Egyptiens et Soudanais, réunis à Addis-Abeba, ne sont pas parvenus à un accord sur la durée du remplissage du réservoir du Grand barrage éthiopien de la Renaissance (Grand Ethiopian Renaissance Dam, GERD). Une question cruciale qui empoisonne leurs relations depuis huit ans. L'Ethiopie souhaite un remplissage du réservoir sur quatre à sept ans, afin de produire rapidement l’électricité nécessaire à son économie et amortir les cinq milliards de dollars investis. Les autorités égyptiennes, elles, réclament une période beaucoup plus longue afin d'éviter des ruptures d'approvisionnement. Le Caire se bat pour maintenir le débit du Nil nécessaire à son agriculture et à sa consommation d'eau.
Selon le ministre éthiopien de l'Eau, Seleshi Bekele, l'Egypte a soumis une nouvelle proposition portant sur un remplissage pouvant durer jusqu'à 21 ans, une proposition inacceptable pour l'Ethiopie. "Nous avons toutefois convergé sur de nombreux points, mais sans avoir pu finaliser notre accord", a déclaré le ministre éthiopien de l'Eau.
Les discussions portaient également sur une utilisation plus économe de l'eau, avec notamment des systèmes d'irrigation plus sobres. Des discussions, on le voit, plutôt complexes.
Le compromis : un remplissage en huit ans ?
Le compromis qui pourrait être trouvé dans les prochains jours, sous l’égide de Washington, serait un remplissage d’une durée de sept ou huit ans, avec une marge possible "en fonction des conditions hydrologiques du Nil bleu", c’est-à-dire du régime des pluies et de l’hydrologie de la région.
Long de 1,8 km et haut de 145 m, le GERD doit devenir le plus grand barrage hydroélectrique d'Afrique, d’une capacité de 74 milliards de m³. L'Egypte évoquait depuis le début des négociations un droit historique sur le Nil et une garantie d’un minimum annuel de 40 milliards de m³ d’eau. Le Nil fournit 97% des besoins en eau de l'Egypte et ses rives abritent 95% des quelque 100 millions d'habitants du pays, selon les Nations unies.
Un réel risque de guerre de l'eau
Le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a prévenu en mars 2019 que ces pays pourraient "être poussés à la guerre", car l'Egypte voit une "menace existentielle" dans tout ce qui mettrait en danger son approvisionnement en eau. L'Egype avait même menacé de bombarder le barrage avec ses nouveaux avions Rafale.
En octobre, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, juste après avoir obtenu le prix Nobel de la paix 2019, avait assuré qu'"aucune force" ne pouvait empêcher la construction du barrage et averti que des "millions" de personnes pouvaient être mobilisées pour le défendre si besoin était.
L'Ethiopie a besoin de ce barrage pour répondre aux besoins en électricité de son économie et de son industrie en forte croissance. Une fois en service, le GERD, aura une capacité de 6450 MW, soit l’équivalent de six réacteurs nucléaires.
Répondre aux besoins en électricité
Même si un compromis est trouvé sur la durée de remplissage du barrage, Kevin Wheeler, ingénieur à l'université d'Oxford, craint des complications : "Les opérations coordonnées entre les réservoirs le long du Nil sont susceptibles d'être un sujet de discussion continue, qui pourrait durer pour les années, les décennies et les siècles à venir", dit-il.
Les trois pays se sont engagés à trouver un compromis avant le 15 janvier 2020. Un compromis, qui serait supervisé par les Etats-Unis. Lesquels, avec la Banque mondiale, étaient présents en tant qu'observateurs à Addis Abeba. Les discussions doivent se poursuivre à Washington. Si aucun accord n'est trouvé rapidement, les trois chefs d'Etat égyptien, éthiopien et soudanais se réuniront pour une réunion de la dernière chance. Les éthiopiens espèrent toujours commencer à produire de l'électricité fin 2020.
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