"L'économie informelle, un frein au développement des pays pauvres", affirme la Banque mondiale dans un nouveau rapport
Le travail au noir représente plus de 70% de l'emploi total des pays émergents et en développement, un niveau tel qu'il compromet leur croissance et accentue la pauvreté.
Les petits métiers des villes ou des campagnes africaines ne s'accompagnent ni d'assurance maladie, ni de cotisation retraite, ni d'impôts. "L'économie souterraine" représente en moyenne 36% du PIB en Afrique subsaharienne et 22% Afrique du Nord, contre environ 12% en France. La prédominance de cette économie de l'ombre réduit la capacité des pays à mobiliser les ressources budgétaires et à assurer une bonne formation des travailleurs, ce capital humain indispensable au développement à long terme.
Une économie de l'ombre
Dans une étude au titre un peu obscur, The Long Shadow of Informality : Challenges and Policies (La grande ombre de l'informalité : défis et politiques), présentée par la Banque mondiale comme "la première analyse complète réalisée sur le sujet", les auteurs démontrent que le travail au noir sape grandement le développement de ces pays.
Le travail au noir représente plus de 70% de l'emploi total des pays émergents et en développement, à un niveau tellement important qu'il compromet leur croissance et accentue la pauvreté en particulier dans le contexte de la pandémie, met en garde la Banque mondiale. Il représente environ un tiers du produit intérieur brut (PIB) de ces pays, où "beaucoup trop de personnes et de petites entreprises exercent leur activité en dehors du champ de vision des gouvernements".
Trappe à pauvreté
Tous les indicateurs sont tirés vers le bas par un secteur informel élevé : des revenus par habitant plus faibles, une plus grande pauvreté, une plus grande inégalité des revenus, des marchés financiers moins développés et des investissements plus faibles.
Le travail au noir "diminue la capacité (de ces pays) à mobibiliser les ressources budgétaires nécessaires pour soutenir l'économie en cas de crise, à mener des politiques économiques efficaces et à renforcer le capital humain (la formation) pour le développement à long terme", résument les auteurs de l'étude. Les recettes publiques (fiscales) des pays émergents et en développement représentent environ 20% du PIB, soit 5 à 12 points de moins que le niveau observé dans les autres pays. Avec pour conséquences des dépenses publiques également inférieures.
En Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, le travail au noir, "omniprésent", est en grande partie le résultat d'un faible capital humain et de grands secteurs agricoles (où est employée une main-d'œuvre le plus souvent familiale). Sans surprise, l'activité économique informelle est concentrée dans les secteurs de services à forte intensité de main-d'œuvre.
"Au milieu de la crise du Covid-19, les femmes et les jeunes sont davantage affectés, ils sont souvent laissés pour compte, avec peu de recours aux filets de sécurité sociale lorsqu'ils perdent leur emploi ou subissent de graves pertes de revenus"
Mari Pangestu, économiste à la Banque mondialeDans le rapport de l'institution
Augmenter le coût du travail au noir
Pourtant, le secteur informel était à la baisse depuis trois décennies avant la pandémie. Entre 1990 et 2018, en moyenne, il avait ainsi chuté d'environ 7 points de pourcentage du PIB pour s'établir à 32% du PIB. Cette baisse reflétait en partie des réformes politiques.
Les auteurs du rapport font donc quelques recommandations générales aux décideurs politiques pour revenir sur cette courbe descendante : améliorer l'accès à l'éducation, aux marchés et au financement "afin que les travailleurs et les entreprises du secteur informel deviennent suffisamment productifs" pour ne pas avoir recours au travail au noir.
Ils invitent les pays à améliorer le climat des affaires et "à rationaliser la réglementation fiscale" pour réduire le coût du travail légal et augmenter celui du travail au noir. Et enfin intégrer cette économie souterraine dans l'analyse et les décisions des décideurs politiques.
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