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Le Nigeria à la recherche d'or pour compenser les revenus en baisse du pétrole

Obsédé par la très lucrative exploitation pétrolière, le Nigeria a négligé l'or présent dans ses sous-sols, durant des décennies. Mais le gouvernement cherche aujourd'hui à redynamiser un secteur minier moribond et à diversifier ses revenus, plombés par l'effondrement des cours du baril depuis 2014. Exemple à Iperindo-Odo Ijesha, un village où une entreprise privée a repris la mine publique.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié
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Dans un village de l'Etat d'Osun (sud-ouest du Nigeria), une société relance l'activité d'une mine d'or rachetée aux autorités nigérianes qui l'ont abandonnée il y a près de quarante ans.

Les habitants de la région ne sont guère étonnés. Ils ont toujours su qu'un vaste gisement d'or reposait sous les cacaoyers et les massifs de bambou de la jungle tropicale de l'Etat d'Osun, dans le sud-ouest du Nigeria.

Encouragées par les autorités, quelques sociétés misent déjà sur ce secteur, avec l'espoir de copier l'expérience fructueuse des pays voisins comme le Ghana, le Sénégal et la Sierra Leone.

Suivons Segun Lawson, directeur général de Thor Explorations, sur le site où se trouve la mine rachetée par sa société. Le gouvernement nigérian a creusé cette mine dans les années 1980, «mais le pétrole était si abondant qu'ils l'ont tout simplement abandonnée», déclare-t-il au bord d'une vieille tranchée de 20 mètres de profondeur.
 
La «nouvelle ruée» vers l'or
«L'or coule sur 210 mètres de profondeur», poursuit le géologue devant un courtier britannique en visite, manifestement impressionné par le chiffre.
 
Segun Lawson, qui a convoité la mine pendant des années avant de l'acheter, se voit comme un pionnier de la «nouvelle ruée» vers l'or. Après une étude de faisabilité définitive, il espère démarrer la première production d'or à grande échelle du Nigeria début 2020.

Se posera aussi la question de l'équipement: les concasseurs et les broyeurs, introuvables au Nigeria, devront être importés de Chine. «C'est à notre portée», s'enthousiasme M. Lawson.

La population locale espère bien être associée au projet
La ville d'Ilesa, voisine de la mine, organise un petit marché où les mineurs artisanaux vendent des pépites d'or alluvionnaire, extraites du sol au terme d'efforts éprouvants.

«Nous avons toujours eu l'or mais nous n'avions pas les ressources pour l'exploiter», affirme Adeyeye Bamidele Adeniji, un chef traditionnel au moment de recevoir chez lui les responsables de Thor Explorations.

«Mon esprit est très clair, il faut se mettre au travail», dit-il à ses visiteurs. «Nous comptons sur vous pour nous en faire bénéficier».

Le chef traditionnel Adeyeye Bamidele Adenji dans sa masion d'Ilesa, dans le sud-ouest du Nigeria, où il a reçu les responsables de Thor Explorations, avant la réouverture de la mine d'or. (Stefan HEUNIS / AFP)


Peut-être ce projet officiel diminuera-t-il le nombre de chercheurs d'or illégaux?  Au Nigeria comme dans toute l'Afrique de l'Ouest, des dizaines de milliers de personnes travaillent dangereusement dans des mines à ciel ouvert, à la recherche d'or, d'étain ou de saphirs.

Selon Cassandra Mark-Thiesen, chercheuse à l'Université de Bâle (Suisse), «le recours au travail des enfants, les morts accidentelles chez les mineurs et la contrebande des minerais sont problématiques».
 
L'exploitation aurifère, une histoire ancienne en Afrique de l'Ouest
La région, qui accueillait alors les puissants royaumes d'Asante et du Mali, était au Moyen-Age une source majeure de lingots pour la Méditerranée et le monde arabe.

Plus tard, ce commerce a été éclipsé par la rentable traite négrière, avant d'être relancé à la fin du XIXe siècle, lorsque les Européens ont introduit des techniques industrielles d'exploitation minière.

Dans les années 2000, malgré des avancées techniques permettant la découverte de nouveaux sites et rendant l'exploitation minière plus productive, le Nigeria est resté à l'écart, ne s'ouvrant à cette technologie moderne que lentement.

Jusqu'à présent, en effet, le Nigeria a bâti une industrie pétrolière et gazière sophistiquée au détriment de tout le reste. La plus grande économie d'Afrique dépend du pétrole pour 70% de ses recettes publiques, malgré d'importantes ressources en fer, en or et autres minerais.

Diversifier le tout-pétrole prendra du temps
Avec la baisse du prix des hydrocarbures, le gouvernement du président Muhammadu Buhari tente, depuis son arrivée en 2015, de s'affranchir de cette dépendance.

En 2017, la Banque mondiale a d'ailleurs approuvé un crédit de 150 millions de dollars pour soutenir la croissance du secteur minier du Nigeria, qui représente actuellement moins de 1% du PIB.

Mais experts comme économistes notent que cette nouvelle orientation prendra du temps avant de se mettre en place, pointant le manque d'infrastructures pour le transport des minerais et l'insuffisance de données géologiques.

Les amateurs sauront par quoi commencer.

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