Zimbabwe : la réforme agraire, le grand échec de Robert Mugabe
Longtemps considéré comme le grenier à blé de l’Afrique australe, le Zimbabwe a connu sous l'ère Mugabe plusieurs années de récoltes catastrophiques, voire de famine. La production agricole a chuté drastiquement après le lancement de la réforme agraire en 2000, entraînant le pays dans une grave crise économique et sociale.
Dans les premières années qui ont suivi l’arrivée au pouvoir de Robert Mugabe, le leader de la lutte pour l’indépendance a largement maintenu le système agraire hérité de la colonisation britannique. Mais en raison d’une très mauvaise gouvernance économique, le pays a fait défaut sur sa dette et perdu en 1999 les financements du Fonds monétaire international (FMI) et de Banque africaine de développement (BAD). Le régime s'est alors durci.
C'est en 2000, que des hommes armés de machettes commencent à envahir les fermes des paysans blancs dans tout le Zimbabwe. Transportés et payés par le gouvernement, ces groupes, officiellement présentés comme des vétérans de la guerre d'indépendance, s'installent dans les exploitations et en chassent les propriétaires. Certains d'entre eux sont blessés, d'autres tués. Robert Mugabe défend ces expropriations sauvages au nom des droits de la majorité noire.
Au départ, il y a ce constat : la loi sur le foncier de 1969 (dans l’ancienne Rhodésie) avait octroyé 15 millions d’hectares de terres agricoles à 6000 fermiers blancs, alors que 700 000 familles noires (soit plus de 4 millions de personnes) se partageaient 16 millions d’hectares. A l'indépendance, en 1980, 42% des terres étaient toujours détenues par les 6000 fermiers blancs.
Les expropriations
En 2000, donc, sous la pression des anciens combattants et des syndicats, le parti au pouvoir lance la réforme agraire. Dans les trois années qui suivent, 90% des fermes sont saisies.
Il fallait corriger les inégalités héritées du passé où les fermiers blancs s’étaient accaparés les meilleurs terres, mais la réforme agraire "bénéficie" aux anciens combattants de l’indépendance qui n’avaient, pour la plupart d’entre eux, aucune compétence agricole.
Les conséquences du mouvement sont terribles. Faute de moyens et par manque de formation de leurs nouveaux occupants, de nombreuses fermes sont laissées à l'abandon, les récoltes chutent et le Zimbabwe connaît ses premières famines.
L'hyperinflation
Cette redistribution des terres plonge le pays dans une profonde crise économique et monétaire. Entre 1990 et 2003, le taux de pauvreté passe de 25 à 60%. L'espérance de vie à la naissance chute de 12 ans entre 1980 et 2000, et le Produit national brut du pays baissé de 34%. Nombre de Zimbabwéens prennent alors le chemin de l'émigration en direction de l'Afrique du Sud et du Botswana, en quête d'un meilleur environnement économique.
L'effondrement du secteur agricole est aggravé en 2016 par la sécheresse, une situation à laquelle le régime réagit en faisant tourner frénétiquement sa planche à billets. La valeur du dollar zimbabwéen dégringole et l'inflation s'envole jusqu'à des taux délirants. Dans les boulangeries, le tout nouveau billet de 100 000 millions de dollars suffit à peine à acheter une miche de pain...
En 2009, le gouvernement est contraint d'abandonner son dollar pour le billet vert américain, mais le pays est ruiné, l'épargne s'est volatilisée, les investisseurs étrangers ont pris la fuite et des millions de Zimbabwéens la route de l'exil. Aujourd'hui encore, le pays reste profondément affecté par cette période. Près de 90% de la population active est officiellement au chômage et 80% du budget de l'Etat sert à payer, souvent avec retard, ses fonctionnaires.
Maigre consolation, la terre fait vivre plus de familles
La réforme agraire a consisté à diviser 6000 grandes propriétés en fermes plus petites. "Pour celles dont la taille finale était comprise entre 5 et 20 hectares, l’opération a plutôt été un succès. Là où cela a été plus compliqué, c’est pour les exploitations qui ont fini par totaliser une centaine d’hectares : leurs repreneurs n’avaient ni les compétences ni les moyens suffisants pour les faire fructifier", résume Ian Scoones, de l’Institut britannique d’études du développement. "Ils n’avaient même pas de quoi acheter les engrais dont ils avaient besoin."
Seul résultat positif, avant la réforme, près de 3000 fermiers blancs exportaient la quasi-totalité du tabac zimbabwéen. Aujourd’hui, le pays compte 90 000 producteurs noirs, pour un revenu global estimé à 650 millions de dollars par an.
Conscient de la gravité de la crise, l'ancien ministre des Finances du régime Mugabe, Patrick Chinamasa, a voulu "clore la question agraire pour soutenir la production agricole" en octroyant des baux de 99 ans aux anciens propriétaires terriens. Son but : que les fermiers blancs qui avaient quitté le pays pour le Mozambique ou le Nigeria soient incités à revenir au Zimbabwe pour... y investir et faire remonter la production.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.