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Zimbabwe : le retour de l'inflation épuise la population

Manque de liquidités, monnaie en chute libre, chômage endémique, le Zimbabwe est englué depuis deux décennies dans une interminable crise économique. Le cyclone Idai qui a touché le pays n'a rien arrangé. Avec le retour de l'inflation, la population en grande souffrance, n’a même plus accès aux produits de base. 

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Un Zimbabwéen tient un billet de 50 millions de dollars dans une rue de la capitale Harare. En 2008, l'inflation avait atteint le taux astronomique de 100.000 %. (MIKE HUTCHINGS / X00388)

Le cauchemar de l'inflation est de retour au Zimbabwe. Rien que cette semaine, le prix de la miche de pain a doublé, passant de 1,80 à 3,50 dollars, tout comme celui du beurre, la barquette de 500 g, de 8,5 à 17,7 dollars. Quant au tarif du trajet en bus, il a augmenté de 50 à 100%.

"Le niveau de vie baisse. Les gens n'achètent plus que ce qu'ils peuvent et non plus ce qu'ils devraient", alerte l'économiste John Robertson interrogé par l’AFP.
Selon l'Institut national de la statistique (ZimStats), le taux annuel d'inflation a atteint en mars 66,8%.

Une crise permanente

Si l'on est loin de l'hyper-inflation des années 2008/2009, où les prix doublaient toutes les semaines, le nouveau président Emmerson Mnangagwa, n’arrive pas à relever l’économie du pays après la politique désastreuse de son prédécesseur, Robert Mugabe, chassé du pouvoir fin 2017.

Il y a dix ans, le Zimbabwe avait abandonné sa devise, dévaluée pour cause d'hyperinflation, au profit du dollar américain. Mais les précieux billets verts se sont faits de plus en plus rares, au point d'étrangler l'économie.

Une explication pour cette hyper inflation : "L’Etat a financé ses dépenses en émettant de la dette que la Banque centrale zimbabwéenne devait acheter avec de nouveaux dollars zimbabwéens, créés ex nihilo. Ce qui naturellement n’a pas manqué de gonfler la masse monétaire, créant un déséquilibre entre l’offre et la demande qui s’est traduit par la hausse des prix". expliquait à l'époque l’économiste oasis Kodila Tedika.

En 2016, le gouvernement a alors introduit ses "bonds notes", des obligations d'Etat de la même valeur que les billets verts.

Mais la valeur de cette pseudo monnaie n'a cessé de dégringoler au marché noir réduisant à néant les promesses de sortie de crise.

L'inflation a repris, creusé les déficits et provoqué, ces derniers mois, le retour des pénuries de produits de base comme l'essence, le sucre ou la farine.

Les prix n'en finissent pas de grimper

"Les prix bougent au rythme de la dépréciation de la monnaie et les salaires restent à la traîne", résume le patron du plus grand syndicat du pays (ZCTU), Japhet Moyo, "les autorités tentent de donner le change en affirmant que l'économie rebondit mais, sur le terrain, c'est tout le contraire".

"On est de retour en 2008", estime Tonderai Chitsvari, un habitant du quartier de Kuwadzana, dans le sud de Harare interrogé par l'afp. "Les prix montent mais les salaires restent les mêmes. C'est un miracle que les gens survivent."

L'économiste Gift Mugano attribue la crise actuelle à l'incapacité de l'économie locale à produire suffisamment de denrées de base.

"L'an dernier par exemple, nous avons dépensé 2,3 milliards de dollars pour importer des fruits et légumes, du soja, du blé, du papier (...) et des médicaments", note-t-il, "il faudrait garder nos maigres devises étrangères en produisant nous-mêmes le blé pour produire notre pain ou le soja pour notre huile".

Il faut réduire certaines de nos importations et promouvoir la production locale

Sifelani Jabangui de la confédération des industries du zimbabwe

afp


Au pouvoir depuis fin 2017, le président Emmerson Mnangagwa semble démuni.
Ses appels aux investissements étrangers et ses engagements à créer des emplois sont jusque-là restés lettre morte. 
En janvier, sa décision de multiplier par deux le prix des carburants pour enrayer les pénuries a causé de violentes émeutes, aussitôt étouffées par une répression qui lui a valu les critiques du monde entier. Malgré cette hausse des prix de l'essence, les queues n'ont pas disparu devant les stations-service du pays.

Depuis des semaines, le chef de l'Etat exhorte industriels et commerçants à stabiliser leurs prix.

Les hausses "font souffrir le peuple", a-t-il regretté, le 18 avril 2019, à l'occasion de la fête nationale, elles sont "inhumaines, immorales, antipatriotiques". "Le gouvernement reste déterminé à restaurer le pouvoir d'achat", a assuré le président.

Stabiliser les prix, même au sein du gouvernement, certains doutent de pouvoir y arriver. Le vice-ministre de l'Information Energy Mutodi a publiquement prôné un "contrôle des prix destiné à protéger les pauvres".

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