Cargo échoué dans le canal de Suez : quelles sont les conséquences économiques de l'arrêt de la circulation ?
Un porte-conteneurs géant bloque toujours cette voie maritime où transite habituellement des milliards de dollars de marchandises chaque jour.
Une pelleteuse face à un navire titanesque. La photographie de ce duo improbable, largement diffusée sur les réseaux sociaux, peut prêter à sourire face à l'immensité du défi que tente de relever ce bras articulé. Depuis son échouage mardi 23 mars, l'Ever Given est toujours bloqué en travers du canal de Suez, empêchant la reprise complète du trafic maritime dans la région.
Deux hommes avec une pelleteuse en train de relancer 12% de l'économie mondiale (et ce n'est pas une allégorie) pic.twitter.com/P3pELsQ7s2
— Michel (@MichelPoulain) March 24, 2021
Le naufrage du porte-conteneurs pourrait avoir un coût pharaonique. Car en bloquant cette voie maritime très fréquentée, le navire de 220 000 tonnes et 400 m de long a enrayé le fonctionnement d'une partie du commerce mondial. Explications.
Des dizaines de bateaux à l'arrêt
L'interruption du trafic sur le canal de Suez a immédiatement créé un bouchon. Selon la revue navale Lloyd's List (en anglais), plus de cinquante navires par jour empruntent quotidiennement cette voie en temps normal. Depuis mardi, l'Autorité du canal de Suez a rouvert une partie plus ancienne pour détourner certains navires, mais ce passage ne peut accueillir que des embarcations plus petites.
En attendant, 46 vraquiers et des dizaines de pétroliers et porte-conteneurs trop grands pour emprunter cette voie de secours étaient immobilisés vendredi 26 mars aux deux entrées du canal, attendant un redémarrage du trafic, toujours selon Lloyd's List. Mais celui-ci pourrait tarder...
Si le propriétaire de l'Ever Given a déclaré avoir bon espoir que le navire soit débloqué dans la soirée du samedi 27 mars, la société chargé de renflouer le porte-conteneurs a plutôt évoqué de son côté "plusieurs jours voire des semaines" de travaux.
Des retards de livraison à prévoir
Chaque jour, 5,1 milliards de dollars de marchandises transitent par le canal de Suez en direction de l'Europe (4,3 milliards d'euros), selon la revue Lloyd's List. Et vers l'Asie, c'est 4,5 milliards de dollars (3,8 milliards d'euros) de marchandises qui sont acheminés quotidiennement. C'est dire le coût qu'a l'arrêt de la circulation sur cette voie maritime hautement stratégique.
Le retard impliqué par le blocage a conduit le géant du transport maritime Maersk et l'Allemand Hapag-Lloyd a envisager de dérouter ses navires pour passer par le cap de Bonne-Espérance. Soit un détour de 9 000 kilomètres, qui rallongerait de dix jours les délais de livraison. Au moins quatre pétroliers songent à faire de même. Mais un tel changement de trajectoire aurait un coût en carburant important.
"Il se peut qu'on reçoive des choses un peu plus tard que prévu et que les exportations européennes traînent un peu", explique Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime, à franceinfo. Car "le canal de Suez apporte tout ce qui est fabriqué en Chine", précise-t-il.
Vers une hausse du prix du pétrole ?
La nouvelle du blocage a fait bondir les cours du pétrole jusqu'à 6% mercredi, avant de retomber jeudi. En temps normal, des milliers de barils de pétrole, pour la plupart en provenance du Proche-Orient, voyagent chaque jour en empruntant le canal de Suez. Le trafic représente "environ 10%" des importations de pétrole européen, estime Paul Tourret, interrogé par France 3 cette fois.
S'il dure, le blocage pourrait même avoir un impact sur le prix du carburant en France et en Europe. "Quand il manque un peu de fluidité [dans le transport] de l'or noir, ça se répercute sur les prix à la pompe", explique le spécialiste. Pour l'instant, aucune hausse n'a toutefois été relevé sur le prix de l'essence et du gazole.
Un impact dans de multiples domaines
Près de 10% des échanges commerciaux maritimes internationaux passent par le canal de Suez. A l'instar du pétrole, les cours de divers produits pourraient donc augmenter si la situation devait perdurer : "Il peut y avoir des pénuries", avertit le géopolitologue Christian Bouchet, directeur du Centre d'études de la mer à l'Institut catholique de Paris, auprès de France 3.
Les tarifs du fret maritime pourraient eux aussi grimper en flèche après cet accident car le nombre de transporteurs disponibles pourrait être réduit dans les prochaines semaines, prévient la revue Lloyd's list. Par ailleurs, le blocage va peser sur l'économie égyptienne : le canal de Suez a rapporté au pays plus de 5 milliards de dollars en 2020.
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