Un écrivain égyptien appelle les femmes à se dévoiler place Tahrir

Ses appels répétés depuis mi-mars pour une manifestation publique contre le port du voile en Egypte créent une polémique sur les réseaux sociaux. Sur sa page Facebook, détracteurs et partisans se déchirent. «Je propose qu'un groupe de jeunes femmes enlèvent leur voile lors d'une manifestation sur la place Tahrir dans le courant de la première semaine du mois de mai, avec des hommes qui se positionneront tout autour pour les protéger. Je serai le premier de ces hommes», promet Chérif Choubachy.

Plusieurs intellectuels, présentés par la presse égyptienne comme laïques, s’opposent aussi au port du voile. L’ancien ministre de la Culture, Jaber Asfour, y voit un recul social : «Jusqu’aux années 70, les intellectuels étaient à l’avant-garde de la société. Il n’y avait pas un seul hijab ou niqab à l’Université du Caire. La femme égyptienne était un modèle de progrès et d’universalisme.» La féministe Nawal el-Saadawi, écrivaine très influente en Egypte, a marqué les esprits en mars en affirmant sur un plateau de télévision: «Pourquoi je suis contre le voile? Parce qu’il est immoral. Comme si en achetant un hijab à 50 livres, j’achète ma place au paradis. Je veux y accéder par mes actions et mon comportement et non par un bout de tissu sur ma tête.»
 
L’initiative de Chérif Choubachy suscite des réactions vives sur les réseaux sociaux, notamment de la part des islamistes. L’écrivain ne se laisse pas intimider.

 «Quelques moutons m’accusent d'ignorance, je leur dis : "Entre vous et moi, 1400 livres que j'ai lus, entre vous et moi 15 livres écrits après des nuits blanches... Des centaines d'heures de discussions avec les géants de la pensée tels que Lois Awadallah, Naguib Mahfouz, Mohammed Arkoun, pour n'en nommer que quelques-uns. Des centaines de conférences en français et en anglais dans divers pays du monde. J’ai travaillé pendant cinq ans à l'Unesco à Paris. Entre vous et moi, des années-lumière."»


L’opposition, sinon l’affrontement entre les nationalistes et les islamistes, remontent à la moitié du XXe siècle. Dans la vidéo ci-dessus datant des années 50, le président Nasser évoque son entretien avec un leader des Frères musulmans. A celui-ci qui lui posait comme première condition pour parvenir à un accord d’imposer le voile aux femmes en Egypte, le raïs répondit ironiquement: «Toi-même, tu n’arrives à faire porter le voile à ta fille étudiante en médecine, comment veux-tu que j’oblige dix millions d’Egyptiennes à le porter?»
 
Chérif Choubachy a décidé de maintenir le rassemblement malgré les pressions des milieux conservateurs et islamistes. La date n’a pas encore été fixée.