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Le Gabon accusé d'encourager le trafic de bois sur son territoire

Mises régulièrement en cause par des ONG, les autorités gabonaises sont à nouveau accusées de ne pas prendre de sanctions suffisantes contre les trafiquants de bois, après la libération début septembre 2018 de plusieurs exploitants illégaux. Luc Mathot, directeur de l'ONG internationale Conservation Justice (CJ), dénonce des complicités qui protègent les contrevenants.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Au Gabon, la forêt recouvre environ 85% des terres. (Christophe LEPETIT / Onlyword / AFP)

L'ONG Conservation Justice (CJ), installée à Libreville, lutte depuis 2008 contre le braconnage et l'exploitation illégale des forêts. Son directeur Luc Mathot se désole.

«Les arrestations de trafiquants de bois, même en flagrant délit, font rarement l'objet de condamnations judiciaires au Gabon et nous attendons toujours des suites judiciaires sur l'interpellation d'exploitants illégaux début septembre, pour l'instant remis en liberté», raconte-t-il, précisant que ces derniers avaient justement été pris sur le fait, en train de couper des arbres sans aucune autorisation dans une zone forestière de plusieurs centaines d'hectares, aujourd'hui «ravagée».

Revoir les «amendes transactionnelles»
L'ONG CJ dénonce «les complicités grâce auxquelles se protègent certains exploitants forestiers et le manque de sanctions dissuasives qui pourraient freiner leurs activités illégales».

Parmi les cinq suspects arrêtés à Fougamou (centre) puis relâchés, figure Gao Jingzhu dit «Jimmy», responsable chinois de la société Talibois établie dans la province de la Ngounie (centre). 
 
CJ plaide aussi pour une révision du système des «amendes transactionnelles», qui permet à un exploitant en situation d'irrégularité de payer une amende à un représentant des Eaux et Forêts, évitant ainsi de passer devant la justice. Ce système «encourage la corruption des agents publics», selon M.Mathot.

Sortir de la dépendance au pétrole
«En Afrique, le Gabon a été pionnier en matière d'aménagement forestier et plusieurs sociétés forestières respectent les principes et les règles», tempère M.Mathot, regrettant l'absence de coercition pour les autres.

Recouvert à environ 85% de forêts, le Gabon exporte une soixantaine d'essences de bois. Depuis quelque temps, le secteur forestier fait aussi partie du plan de diversification économique du pays qui veut sortir de sa dépendance au pétrole.

Si le blanchiment de bois et l'exploitation forestière illégale prenaient fin, l'Etat pourrait gagner «des dizaines de milliards de FCFA annuellement», estime l'ONG, pointant ainsi les incohérences du pouvoir dans ce domaine.

La responsabilité du consommateur
Dans un article publié en avril 2018 par le site The Conversation, Kenneth E.Wallen, professeur en ressources naturelles à l'université de l'Arkansas (Etats-Unis), s'inquiète du niveau record du trafic du bois dans le monde et insiste sur l'importance d'éduquer le consommateur.

«Quand un arbre tombe dans une forêt, vous souciez-vous de savoir comment il a été abattu?», interroge-t-il. «Peu de gens pensent à la provenance du bois de leurs meubles, de leurs planchers ou de leurs portes. Et peu savent, poursuit-il, que l’un des produits les plus commercialisés illégalement dans le monde est un arbre, le bois de rose (Dalbergia)», originaire de Madagascar.

Et d'appeler les gouvernements de la planète à «éduquer» leurs concitoyens et les informer de «l'ampleur du commerce de contrebande et des produits susceptibles d’être abattus illégalement».

Le gouvernement gabonais a-t-il lu cet article?

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