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L’Érythrée ou la répression par-delà ses frontières

Des sympathisants et responsables du gouvernement érythréen à l'étranger harcèlent et intimident leurs compatriotes opposants ou tout simplement critiques.

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Deux sœurs de la diaspora érythréenne réunies après 20 ans de séparation à Asmara, la capitale du pays. 19 juillet 2018 (STRINGER / AFP)

Elle siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU depuis 2018, mais ne laisse à ses citoyens aucun répit. L'Erythrée, à l'extérieur comme à l'intérieur de ses frontières, exerce une répression sans faille sur ses ressortissants. Un constat que met en avant l'ONG Amnesty International le 27 juin 2019, dans un rapport publié en ligne.

Située dans la Corne de l'Afrique, en bordure de la mer Rouge, l'Erythrée est dirigée d'une main de fer par le président Afwerki, arrivé au pouvoir après l'indépendance acquise face à l'Ethiopie en 1993. Nombre des citoyens ont depuis émigré, fuyant la répression d'un pays souvent considéré comme "l'une des dictatures les plus violentes au monde".

Et alors que la dispora du pays ne cesse de s'agrandir, le régime dictatorial érythréen, lui, continue de terroriser ceux qui l'ont fui.

Répression sans frontières

Dans son nouveau rapport intitulé Repression without borders (répression sans frontières, NDLR), Amnesty International dénonce le harcèlement quotidien, et largement répandu, exercé par les soutiens du régime envers la diaspora, dès lors que celle-ci est soupçonnée de critiquer la politique du gouvernement en place.

Les plus exposés sont les défenseurs des droits humains et militants, notamment ceux vivant au Kenya, aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède, en Suisse et au Royaume-Uni, pays où l'ONG a recensé des attaques imputables à des proches du gouvernement érythréen contre ses détracteurs. Mussie Zerai, prêtre nominé pour le prix Nobel de la Paix, et Martin Plaut, ancien rédacteur de BBC Africa, ont ainsi été victimes à plusieurs reprises de pressions.

Le prêtre érythréen Mussie Zerai pose devant l'église de Erlinsbach, en Suisse, 9 octobre 2015.  (FABRICE COFFRINI / AFP)

"Pour de nombreux défenseurs des droits humains, fuir l’Érythrée ne leur a pas apporté beaucoup de répit face à la répression à laquelle ils tentaient d’échapper – une fuite au cours de laquelle nombre d’entre eux perdent la vie", a déclaré Joan Nyanyuki, directrice du programme Afrique australe, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.

"Ils regardent en permanence derrière eux et surveillent chacun de leurs propos, par peur du gouvernement érythréen qui a le bras long et étend sa répression au-delà des frontières", ajoute-t-elle.

Accusations sans fondements

Menaces de mort, agressions physiques et diffusion de mensonges : le régime d'Asmara se sert de tous les moyens à sa disposition pour harceler et intimider ceux qui contestent la politique du gouvernement du président Afwerki. Ces dernières années, plusieurs ressortissants érythréens à l'étranger se sont faits arrêter et accuser de complot envers l'Etat, sans raisons apparentes.

Ainsi Hussein Osman Said, à l'initiative de la création de l'organisation civique de la diaspora, l'EDEA, en 2013, s'est vu annuler son passeport à Nairobi par l'ambassade de l'Erythrée au Kenya. Celle-ci le fait ensuite arrêter au Soudan du Sud, arguant que Hussein Osman Said serait "un terroriste œuvrant à saboter le gouvernement érythréen".

Winta Yemane, jeune femme née en Italie et désireuse de se reconnecter à ses racines érythréennes, a, elle, rejoint la section Jeunes à l'étranger du parti unique Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ). En 2011, elle participe à la conférence annuelle de l'organisation à Oslo, en Norvège. Après avoir exprimé ses souhaits concernant la Constitution, les droits humains et une justice indépendante dans le pays, elle se retrouve rapidement à contre-courant des hauts représentants du gouvernement assistant à cette conférence.

Des musulmans érythréens réunis à Asmara pendant la Ramadan. 4 juin 2019. (EDEN RUSSOM / AFP)

"Ils m’ont dit que j’étais victime de la désinformation orchestrée par la propagande occidentale et les ennemis de l’Erythrée", a-t-elle raconté à Amnesty International. La jeune femme, également suivie pendant plusieurs semaines, a reçu des appels de menaces émanant de numéros inconnus et a été la cible d’une campagne de diffamation sur les réseaux sociaux.

Des allégations sans fondement, qui n'ont d'autre objectif que de terroriser celles et ceux qui demandent que leurs dirigeants soient traduits en justice. "Que l’Érythrée utilise ses ambassades à l’étranger pour harceler et réprimer ses détracteurs ne saurait être toléré", conclut le rapport d'Amnesty International.

Depuis 2018, une amélioration de la situation?

La levée des sanctions de l'ONU contre l'Erythrée en novembre 2018, faisant suite à la signature de l'accord de paix historique avec l'Ethiopie en juillet, laissait augurer des changements positifs en Erythrée.

La situation semblait s'être un peu améliorée. Mais début 2019, la Représentation permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève a jugé dans un rapport que "malgré quelques avancées en matière d’éducation et de santé, force est de constater que la situation dans le domaine des droits civils et politiques reste particulièrement préoccupante". Elle déplore, entre autres, des "arrestations arbitraires et détentions prolongées", des "disparitions forcées" ou de nombreuses infractions passibles de la peine de mort.

Avec 5000 personnes quittant le pays chaque mois en 2017 selon MSF, l'Erythrée demeure l'un des pays au monde où l'émigration est la plus importante. 

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