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Ethiopie : découvertes archéologiques dans la région du royaume d'Axoum, qui exportait de l'or et des... babouins

D'importantes fouilles, réalisées dans le nord du pays, permettent d'en savoir un peu plus sur le très riche passé antique d’une région mal connue des chercheurs.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le site d'Axoum, dans le nord de l'Ethiopie, inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco. Photo prise le 23-02-2013. (LEROY FRANCIS / HEMIS.FR)

En décembre 2019, une équipe d’archéologues anglo-saxons a annoncé avoir découvert en Ethiopie une cité antique qui aurait appartenu au royaume mal connu d'Axoum. Lequel aurait dominé l'Afrique de l'Est pendant plus d'un millénaire autour du début de l'ère chrétienne. Placé sur la route maritime de l'Inde, il aurait notamment commercé avec Rome. La découverte pourrait aussi fournir des éléments sur l’arrivée du christianisme dans la région.

"Maison d'audience"

Longtemps, l’instabilité politique en Ethiopie a freiné la réalisation de fouilles archéologiques permettant de mieux connaître le royaume d'Axoum. Jusque-là, les découvertes, notamment des obélisques et des stèles, concernaient surtout la localité d'Axoum proprement dite, où se trouvait la capitale dudit royaume antique. Mais les opérations récentes menées par des archéologues occidentaux ont permis d'élargir la zone de recherches. Elles ont mis au jour, dans la région de Yéha (nord de l’Ethiopie) à une cinquantaine de kilomètres de la ville, "un centre commercial et religieux contemporain (du royaume), situé entre Axoum et la mer Rouge", rapporte l’étude des archéologues publiée (par la revue Antiquity) sur cambridge.org. Nom de ce centre : Beta Samati (mot-à-mot "maison d’audience" en tigrigna, une langue locale).

"A côté de l'Egypte et du Soudan, (Axoum) est l'une des civilisations majeures de l'Afrique", n'hésite pas à dire l’archéologue Michael Harrower, de l'Université Johns Hopkins à Baltimore (Etats-Unis), cité par le site NewScientist. Une civilisation s'étendant de l’est du continent à l'Arabie, capable de rivaliser avec les empires romain, perse et chinois.

Au IIIe siècle de notre ère, le prophète perse Mani, fondateur de la pensée manichéenne, considérait le royaume d'Axoum comme l'un des plus importants de l’époque, rappelle L’Obs. "Son port d'Adulis, sur la mer Rouge, a représenté pendant des siècles une escale pour les marchands et les explorateurs, sur une route reliant la Méditerranée à l'Inde en passant par l'Arabie ou l'Egypte. En l'an 77, Pline le Jeune l’a qualifié de 'fenêtre sur le monde.'"

Sur le site d'Axoum, capitale du mystérieux royaume antique du même nom, dans le nord de l'Ethiopie. Gravure datant de 1847.  (MARY EVANS/SIPA)

Murs de pierre

Les archéologues travaillent sur le site de Beta Samati depuis une dizaine d’années. Après s'être entretenus avec des habitants, "ils ont plus précisément ciblé leurs efforts sur une colline à proximité d'un village. Elle s'est finalement révélée être ce que les archéologues appellent un tell, un monticule créé par des ruines", raconte Géo. Selon la méthode de datation au carbone 14, le site aurait été occupé de 771 avant J.-C. à 645 après.

L’équipe est d’abord tombée sur des murs de pierre. Avant de comprendre qu'elle avait mis au jour les restes d’une cité d'une superficie de 14 hectares, selon l'étude citée plus haut. Aujourd'hui, "nos travaux démontrent que Beta Samati était une grande localité densément peuplée", explique le document des chercheurs.

"Nos résultats démontrent également que, contrairement à l'abandon supposé de la région de Yéha (après une époque que les spécialistes nomment pré-axoumite, NDLR),  Beta Samati a continué à fonctionner comme un nœud majeur sur les routes commerciales qui reliaient la Méditerranée" à la capitale Axoum, pendant toute la période de l’empire du même nom, poursuit l'étude. La découverte est d’autant plus importante que "la plupart des sites connus (de la période) ont été fouillés très rapidement", confirme Jacke Phillip, de l'Université SOAS de Londres, citée par NewScientist. Par la suite, les publications n’ont pas été faites "selon les normes d'aujourd'hui", poursuit la chercheuse.

(Beaucoup d'objets non-religieux ont aussi été trouvés dans la basilique. Cela suggère que le batiment (et Beta Samati) était un important carrefour administratif et commercial : un anneau de style romain en cornaline avec de la poterie découverts sur le site de Beta Samati). 

Vie quotidienne et christianisme

Les fouilles de Beta Samari ont "mis en évidence les vestiges de maisons ou d'ateliers ainsi que de nombreux artéfacts (objets, NDLR) – poteries et pièces de monnaie notamment témoignant à la fois d'activités domestiques, artisanales et commerciales", explique Géo. Parmi les activités artisanales, les chercheurs évoquent le travail du métal et du verre.

Autre découverte : les traces d'un édifice long d’environ 18 mètres et large de 12, daté du IVe siècle et évoquant le plan d’une ancienne basilique romaine. D'où l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’une église chrétienne.

De fait, la région a apparemment été convertie au christianisme par un roi d’Axoum, répondant au nom d’Ezana, vers le IVe siècle de notre ère, à l’époque où Constantin imposait la nouvelle religion à l’empire romain finissant. Une pièce à l'effigie d'Ezaba a d'ailleurs été trouvée sur le site de Beta Samati, note l’étude. La découverte d'"un pendentif (...) portant une croix (...) ainsi qu'une inscription sur l'un des murs faisant référence au Christ" (Géo) peuvent également constituer d'autres éléments pour étayer cette hypothèse. Si celle-ci est confirmée, il s’agirait de "l'une des premières preuves physiques de la présence du christianisme en Afrique subsaharienne", observe le site de l'université américaine Yale. Cette religion aurait pu s’étendre "via des réseaux commerciaux qui reliaient la Méditerranée à l'Afrique, et l'Asie du Sud à la mer Rouge".

Un empire commercial de premier plan

D’autres découvertes, telles que des jetons et des figurines, indiquent un mélange de traditions païennes et chrétiennes. Ce mélange de différentes traditions se retrouve sur d’autres objets, comme le montre la présence sur le site d’une bague en cuivre recouverte d’une feuille d'or et portant une cornaline (une pierre rouge). Celle-ci est "gravée avec l'image d'une tête de taureau sur une vigne ou une couronne", révèle NewScientist. L’objet évoque ainsi une influence romaine, à l'exception de la représentation du taureau.

Dans le même temps, précise l’étude publiée par cambridge.org, la découverte de nombreuses amphores "indique que Beta Samati était un important nœud commercial" où arrivaient ces contenants peut-être remplis de vin et possiblement venues d'Aqaba (aujourd’hui en Jordanie) et/ou de Méditerranée orientale. "Les archéologues savent depuis longtemps qu’Axoum était un empire commercial de premier plan, exportant de l'or, de l'ivoire, des éléphants et des babouins", confirme NewScientist.

Sur le site de la cité antique d'Axoum, dans le nord de l'Ethiopie (31 août 2009) (AFP - GUIZIOU FRANCK / HEMIS.FR)

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