Ethiopie: la liberté d'expression en péril
«Le journalisme n'est pas un crime. Violations de la liberté de la presse en Ethiopie». C'est le titre du dernier rapport que publie l'ONG de défense des droits de l'Homme, Human Rights Watch. Selon Leslie Lefkow, directrice adjointe Afrique de HRW, le gouvernement éthiopien «décime la presse indépendante» qui fait l'objet de menaces, d'intimidation et de harcèlement. Le bâillonnement des journalistes s'opère via des «accusations criminelles fabriquées et une loi antiterrorisme controversée», accuse le rapport de HRW publié le jeudi 22 Janvier 2014.
La plupart des organes de presse, des chaînes de télévision et stations de radio sont contrôlés par l'Etat. Souvent comparé au parti communiste chinois, le FDRPE (Front démocratique révolutionnaire éthiopien) occupe, avec quelques partis alliés 545 des 547 sièges de la chambre basse du parlement et devrait remporter une nouvelle victoire écrasante lors des législatives du 24 Mai 2015.
Une grande prison pour journalistes
Rien qu'en 2014, six publications privées ont cessé de paraître après avoir été harcelées par le gouvernement; au moins 22 journalistes, blogueurs et directeurs de publications ont été inculpés pénalement; 19 ont été incarcérés dont un célèbre blogueur, Eskinder Nega qui purge une peine de 18 ans de prison. Six rédacteurs du blog éthiopien «zone9», souvent critiques ont connu le même sort. Arrêtés en avril 2014, ils sont tous accusés de terrorisme pour des liens présumés avec Ginbot 7 , un mouvement interdit aux Etats-Unis qui appelle au renversement des autorités d'Addis Abeba. Le 14 Janvier 2015, leur procès a été ajourné pour la sixième fois. Depuis 2010, au moins 60 journalistes ont fui le pays, de peur d'être arrêtés en vertu des lois répressives.
En 2012, deux journalistes suédois, Martin Schibbye et Johan Persson, ont eu plus de chance. Arrêtés pour séjour illégal et accusés d'avoir rencontré des rebelles, ils ont été condamnés à 11 ans de prison puis graciés au bout de 15 mois.
Campagne d'intimidation et répression systématique
Dans sa campagne d'intimidation, le pouvoir utilise les chaines de télévisions gouvernementales. Elles diffusent des émissions présentant les publications indépendantes comme étant liées à des groupes terroristes. Les rares médias privés encore en activité font souvent de l'autocensure dans leur couverture de questions politiquement sensibles, de peur d'être fermés. Quant aux médias sociaux, ils font l'objet eux aussi de sevères restrictions. L'accès à de nombreux blogs et sites internets gérés par des Ethiopiens de la diaspora est bloqué dans le pays.
Pour Human Rights Watch, l'Ethiopie est sans doute l'«une des plus grandes prisons pour journalistes du monde». Un paradoxe pour un pays devenu le nouvel eldorado des investiseurs venus du monde entier.
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