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Gabon : le président Ali Bongo à la conquête d’un second mandat très controversé

La campagne pour la présidentielle gabonaise du 27 août 2016 s’ouvre dans un climat particulièrement tendu. Candidat à sa propre succession, le président sortant Ali Bongo fait l’objet d’une polémique sur sa filiation qui le rendrait «inéligible», selon ses adversaires et anciens alliés. Une élection de tous les dangers, comme l’explique à Géopolis, Marc Ona Essangui, un activiste gabonais.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le président gabonais, Ali Bongo, au milieu de ses supporters le 9 juillet 2016 à Libreville. Il venait d’annoncer officiellement sa candidature à la présidentielle. (Photo AFP/Samir Tounsi)

 
La tension est montée d’un cran le 9 juillet 2016 lorsqu’une quinzaine d’activistes sont arrêtés par la police en marge d’un rassemblement de l’opposition à Libreville. Depuis, leur chef de file, Jean-Rémi Yama, un syndicaliste enseignant, et une quinzaine de ses camarades, membres du collectif citoyen «Dynamique unitaire», croupissent en prison.
 
La société civile crie au scandale, comme l’explique à Géopolis, Marc Ona Essangui, un activiste gabonais très engagé dans la défense des libertés publiques.
 
«Nous ne pouvons pas aller à une élection quand les libertés fondamentales sont confisquées. Ali Bongo et ses amis sont les seuls à pouvoir organiser des manifestations publiques, à s’exprimer à la télévision. Je pense que dans ces conditions, ces élections risquent de connaitre des périodes difficiles. Les libertés fondamentales ne se négocient pas».
 
Ali Bongo, «un faussaire», selon ses détracteurs
Elu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo, au pouvoir pendant 42 ans, le président sortant Ali Bongo est candidat à sa propre réélection pour un mandat de sept ans face à des adversaires qui sont souvent d' anciens barons du pouvoir gabonais.
 
Ils se sont tous déchaîné ces dernières semaines contre leur ancien protégé, qualifié d’enfant de Nigérian, adopté par Omar Bongo durant la guerre du Biafra à la fin des années 1960. Selon cette thèse, il ne peut être président en vertu de la Constitution qui impose aux candidats d'être nés gabonais.
 
«Ali Bongo et ses cabinets de communication ont réussi à faire passer les Gabonais pour des xénophobes ou des gens qui lancent un débat stérile. Le débat n’est pas stérile», commente Marc Ona Esangui.
 
Vous avez combien d’actes de naissance? demande-t-il. Et de répondre: «Moi j’ai un seul acte de naissance. Ali Bongo, président du Gabon, a présenté publiquement, pour différentes élections, quatre actes de naissance. Les uns différents des autres. C’est un faussaire. Et la place d’un faussaire n’est pas au sommet de l’Etat. La place d’un faussaire, ce n’est pas être candidat à une élection présidentielle. C’est en prison», martèle l’activiste gabonais.
 
Ses ex-alliés, passés dans l’opposition, sont devenus ses principaux adversaires dans la course à la présidentielle du 27 août 2016. Ils répètent en chœur qu’Ali Bongo «est un accident de l’Histoire qui ne saurait et ne doit plus être répété». Ils ont contesté, sans succès, devant la Cour constitutionnelle, sa nouvelle candidature qui a été finalement validé fin Juillet.
 
«Ils ont dit que j'étais biafrais"
Les partisans du président sortant se moquent de «ces néo-opposants qui ne peuvent pas critiquer le bilan d’Ali Bongo sur le fond». Ils affirment qu’en sept ans, «Ali Bongo a fait dix fois plus que ces gens-là durant toutes les décennies où ils ont gouverné» aux côtés du père de l’actuel chef de l’Etat.
 
Une polémique dont s’amuse Ali Bongo : «Ils ont dit que j'étais biafrais, qu'ils en apportent la preuve». Quant à l'existence supposée de plusieurs certificats de naissance, le président a balayé du revers de la main ce qu'il a qualifié de «fantasmes». Il s'agit «de quelques petits soucis de retranscription. Ce n'est pas autre chose», explique-t-il à l'occasion du lancement officiel de sa campagne.
 
Le chef de l’Etat gabonais met en avant les mesures prises durant son septennat pour sortir le pays de sa dépendance aux ressources pétrolières qui ont fait sa richesse depuis les années 70. Des investissements «sans précédent» dans les infrastructures notamment, soutient le candidat Ali Bongo.

Membre éminent de la société civile gabonaise, Marc Ona Essangui coordonne la campagne de l'ONG «Publiez ce que vous payez".  (Photo/Goldman Prize)

L’activiste Marc Ona Essangui coordonne au Gabon les activités de la plateforme internationale «Publiez ce que vous payez». Il commente pour Géopolis le bilan des réalisations du président gabonais.
 
«Que dit Ali Bongo dans son bilan? Il dit, j’ai construit les routes, les hôpitaux. Mais qui construit les hôpitaux au Gabon? C’est une entreprise autrichienne dont Ali Bongo est ami du patron. Qui construit les routes? Ce sont des entreprises qui tournent autour d’Ali Bongo. Qui exécute les marchés de l’Etat ? Ce sont des entreprises qui sont de la famille Bongo. On surévalue, on surfacture et on appauvrit la population».
 
«Nous ne sommes plus au Bongo-Land»
Les adversaires  d’Ali Bongo sont convaincus que toutes les conditions sont remplies pour une alternance à la tête de l’Etat gabonais. Et les mises en garde se multiplient de part et d’autre à l’approche de cette présidentielle qui se jouera en un seul tour.
 
«Que personne ne cherche à passer en force. Les Gabonais ne l’accepteront plus. Maintenant si Ali Bongo ne compte que sur l’armée et la force, puisqu’on est plus dans la logique de la démocratie, les Gabonais vont aussi s’organiser pour utiliser la force. C’est ce que les Gabonais disent. 2016 ne peut plus être 2009. Nous ne sommes pas au Bongo-land», martèle Marc Ona Essangui.
 
Face à la fronde, le chef de l'Etat tente de rassurer ses compatriotes aux quatre coins du pays : «il y a 7 ans, notre pays perdait son président et entrait dans une période d’incertitudes, rappelle-t-il. Nous avons la chance d’être dans un pays en paix et qui ne connaît pas les affres de la violence et du terrorisme. Nous avons la paix et nous la préserverons».
 
Dans une interview à Jeune Afrique, Ali Bongo se dit prêt à affronter tous ses adversaires, «ces anciens» qu’il accuse de s’être considérablement enrichi sous le règne de son père et qui refusent de céder leur place aux plus jeunes.
 

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