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Le Kenya, fer de lance contre les mutilations génitales féminines en Afrique

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Près de 200 millions de femmes sont sexuellement mutilées dans le monde. La mutilation génitale féminine (MGF) ou excision est une opération qui se traduit par l'ablation totale ou partielle du clitoris, et parfois des petites lèvres. La suture des grandes lèvres peut aussi être pratiquée (infibulation). Cette pratique se concentre principalement dans 29 pays d’Afrique et du Moyen-Orient.


Sur ces 29 pays, 24 condamnent cette pratique. Pourtant, il est très difficile de l’enrayer car elle est avant tout sociale et culturelle. Protéger la virginité avant le mariage, ne pas exclure la jeune fille de la communauté et respecter les préceptes religieux sont les raisons évoquées par ceux qui font perdurer cette tradition. Une dernière raison souvent invoquée à tort, car aucun texte religieux n’impose cette mutilation.
 
Un espoir pourtant se dessine. Le taux de mutilations est en régression. Les adolescentes sont largement moins touchées que leurs mères : 30%, voire 50% de moins dans certains pays comme le Bénin, la République centrafricaine, le Liberia ou le Nigeria.
 
Mais si l’on peut se réjouir que cette tendance à la baisse depuis 30 ans, le pourcentage de femmes concernées reste alarmant dans de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient : Somalie (98%), Guinée (97%), Djibouti (93%) et Egypte (91%). 
 
Mais cette baisse est globalement plus lente que la croissance démographique. Ainsi, le nombre de victimes passera de 3,6 millions par an à plus de 4 millions en 2050.
 
En 2014, Maggie O’Kane, journaliste au Guardian, a lancé une pétition pour convaincre le gouvernement de prévenir du danger de l’excision et tenter de susciter le changement dans les communautés. En Europe, le Royaume-Uni est le plus touché par l’excision avec 137.000 victimes.
 
Dans le même temps, Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU alors en tournée dans la Corne de l'Afrique, a appuyé la campagne de Maggie O’Kane en lançant un appel aux journalistes africains : «Les choses peuvent changer si les médias accordent une attention soutenue aux conséquences néfastes des (mutilations) en terme de santé publique, et aux violations des droits de centaines de milliers de femmes et filles à travers le monde.»
 
Le Kenya, qui a interdit cette pratique en 2011, est le premier pays d'Afrique à s'engager dans cette campagne.
 
Dans ce pays, ce problème en soulève un autre toujours dans la lutte contre les violences faites aux femmes : celui des mariages forcés.
 
Pour illustrer ce propos, franceinfo Afrique vous propose de découvrir le travail du photographe Siegfried Modola. Il s'est rendu en octobre puis en décembre 2014 dans une zone rurale du comté de Baringo, au Kenya. Il a pu assister à une cérémonie de mariage et à un rituel d’excision chez les Pokot, une ethnie vivant principalement à l'ouest du Kenya et en Ouganda.

700 millions de femmes ont été mariées dans le monde avant leurs 18 ans, et 250 millions avant leurs 15 ans.  (REUTERS/Siegfried Modola)
Chaque année,
14 millions de jeunes femmes sont mariées de force dans le monde. L’Afrique est le contient le plus touché par ce phénomène. (REUTERS/Siegfried Modola)
le Niger est l'endroit où le taux de mariages précoces est le plus élevé. 75% des Nigériennes étant mariées avant l'âge de 18 ans et un tiers avant leurs 15 ans. Dans d’autres pays comme le Cameroun, la Guinée-Bissau ou le Mali, le mariage forcé serait en augmentation. (REUTERS/Siegfried Modola)
ont lieu dans les zones rurales et sont la norme. Les zones urbaines sont moins impactées car les filles y sont plus scolarisées. (REUTERS/Siegfried Modola)
prend racine dans la discrimination entre les sexes. Il favorise les maternités prématurées et à répétition. De nombreuses femmes meurent de complications lors d’accouchements difficiles liés à leurs jeunes âges. (REUTERS/Siegfried Modola)
les filles sont plus exposées à la violence et aux mauvais traitements.  (REUTERS/Siegfried Modola)
et mutilations sexuelles n’est plus à démontrer. Depuis plus de 20 ans, les Nations-Unies luttent contre les mutilations génitales. En décembre 1993, l’ONU a inclu les MGF dans sa résolution 48/104 concernant la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes.  (REUTERS/Siegfried Modola)
lors d'une conférence organisée par le Comité inter-africain, Stella Obasanjo, première dame du Nigeria et porte-parole de la Campagne contre les MGF a fait une déclaration officielle sur la «tolérance zéro». Suite à ce discours, l’ONU a institué chaque 6 février comme le jour dédié à la lutte contre les mutilations génitales féminines.  (REUTERS/Siegfried Modola)
’Assemblée générale des Nations-Unies adopte sa première résolution pour bannir définitivement ces pratiques dans le monde. En 2015, l’FNUAP et l’Unicef, acteurs majeurs dans la lutte contre les MGF, ont souligné l’importance d’impliquer les professionnels de la santé dans l’abandon de l’excision (20% des opérations sont exécutées dans des centres de santé). (REUTERS/Siegfried Modola)
qui luttent contre les MGF incitent les filles à choisir l’hôpital. Mais la médicalisation de cet acte reste malgré tout critiquée car il ne résout pas le problème de fond qui est l’arrêt définitif de cette coutume barbare. (REUTERS/Siegfried Modola)
sont pratiquées par des exciseuses ou des accoucheuses à l’abri des regards. Ces opérations se déroulent sans anesthésie. Ciseaux, lames de rasoir, morceaux de verre, couteaux sont utilisés.  (REUTERS/Siegfried Modola)
l’orgasme féminin est souvent considéré comme malsain. En plus de l’excision, les femmes subisse un rétrécissement de l’orifice vaginal (infibulation). Une pratique source de complications lors des rapports sexuels qui deviennent alors sans plaisir et douloureux. (REUTERS/Siegfried Modola)
provoquent des hémorragies, des règles douloureuses, des incontinences urinaires, des infections lors des accouchements ou pire la stérilité. L’orifice vaginal peut être refermé plusieurs fois, y compris après une naissance. De nombreuses maladies comme le tétanos ou la septicémie peuvent se déclarer. Dans certains cas, cette amputation des organes génitaux peut entraîner la mort. (REUTERS/Siegfried Modola)
sont plus susceptible d’être excisées que celles qui vivent en villes. Ce qui est largement le cas au Kenya. L’excision se pratique généralement entre 5 et 15 ans. Mais la grande majorité des filles le sont avant cinq ans.  (REUTERS/Siegfried Modola)
l’éducation est un autre facteur très important. Plus elles sont scolarisées longtemps, plus il sera difficile de leur faire accepter de se soumettre à cette tradition. Au Kenya, elles sont de plus en plus nombreuses à s’opposer à la mutilation. Mais elles sont alors rejetées par leurs familles. (REUTERS/Siegfried Modola)
est punissable de peines de prison allant jusqu'à la perpétuité si elle entraîne la mort. Un quart des femmes et des filles ont subi des mutilations génitales dans le pays. Les Massaïs, les Kisiis et les Pokots sont les ethnies qui pratiquent le plus les mutilations ainsi que les migrants du Soudan, de Somalie et d’Ethiopie.  (REUTERS/Siegfried Modola)
sont trois fois moins nombreuses que les femmes de 45 à 49 ans à avoir été mutilées. Le Kenya est le pays africain le plus impliqué dans la suppression de cette pratique qui est passé de 32% en 2008 à 27% en 2013. «Si ce chiffre paraît faible, c'est qu'il prend en compte uniquement la population des femmes âgées de 15 à 49 ans, alors que la mutilation génitale intervient généralement dans la petite enfance des filles. Il faudra donc plusieurs années pour que les changements dans les pratiques des communautés soient visibles dans les données démographiques. Mais la tendance est très positive», explique Nafissatou Diop, coordinatrice du programme conjoint du FNUAP et de l'Unicef sur les mutilations génitales féminines. (REUTERS/Siegfried Modola)
dans les différents secteurs de la société (politique, religieux, civil) explique ce succès. Des programmes de sensibilisation et des activités de reconversion pour les exciseuses ont été  mises en place. La promotion de la scolarisation des jeunes filles et la création des centres d’accueil pour celles qui refusent l’excision et le mariage forcé sont d’autres raisons qui expliquent cette chute.  (REUTERS/Siegfried Modola)
a été créée pour enquêter sur des cas de morts suite à ces pratiques. Une hotline a été mise en place pour dénoncer ces pratiques. Si le lieu où l’excision va avoir lieu est connu à l’avance, il est possible d’envoyer des agents sur place pour sauver les filles, explique Christine Nanjala, chef de l'unité de poursuites anti-MGF. (REUTERS/Siegfried Modola)
conviant des hommes politiques, des chefs religieux, des chefs de tribus et des hommes de la société civile kenyans à déclarer publiquement accepter et vouloir se marier avec des femmes non-excisées. Ces actions ont eu le mérite de faire reculer la stigmatisation des jeunes filles et de rassurer les familles sur leur avenir. (REUTERS/Siegfried Modola)
autant d’hommes que de femmes dans les structures mises en place. Les hommes veulent être formés et intégrés dans les programmes de sensibilisation à la lutte contre les mutilations faites aux femmes. (REUTERS/Siegfried Modola)

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