Terrorisme au féminin : une réalité qui ne touche pas que le djihad
L’image la plus frappante de cet activisme féminin remonte sans doute à octobre 2002. La scène se passe à Moscou. On se souvient de ces femmes portant des voiles islamiques et des ceintures bourrées d'explosifs. Elles faisaient partie d’un groupe tchétchène qui avait pris en otages les spectateurs du théâtre de la Doubrovka dans la capitale russe. Après l'assaut, le bilan est lourd : 169 morts dont 19 «veuves noires» du commando.
Le drame tchétchène
«A l'origine d'attentats-suicides en Tchétchénie dès 1999 ─ date de l'entrée des troupes russes dans cette république rebelle du Caucase ─, les femmes kamikazes ont refait parler d'elles à plusieurs reprises : l'attentat au cours d'un festival rock à Moscou en juillet 2003 (15 morts) et la double catastrophe aérienne le 24 août 2003 (90 morts) ont ainsi été causés par des femmes », rappelait Le Figaro en 2010.
Si la composante religieuse apparaît dans les méthodes de ces commandos, la guerre de Tchétchénie était loin d'être uniquement religieuse entre ce territoire réclamant son indépendance et Moscou. En deux guerres, l'une menée par Boris Eltsine et l'autre dirigée par Vladimir Poutine, les victimes se sont comptées en dizaines de milliers, selon les organisations humanitaires.
Deux mois avant ce drame, Patrick Chauvel était venu tourner un film sur les membres du Croissant-Rouge palestinien. Il y avait rencontré Wafa, souriante et pleine de vie. Après avoir appris son acte, il réalisa Kamikaze 47, l'histoire de Wafa Idriss, en se posant cette question : «Comment une jeune femme aussi dynamique a-t-elle pu décider de devenir le numéro 47 sur la liste des kamikazes ?»
«Avocate, Hanadi Taysser Darajat, originaire de Jénine, en Cisjordanie, n'ira, quant à elle, jamais plaider la cause des siens devant un tribunal terrestre. Le 9 octobre 2003, son gracieux visage encadré de cheveux noirs gisait, loin de son corps déchiqueté, au milieu du restaurant Maxim, à Haïfa, jonché de lambeaux de chair ensanglantés. A 29 ans, sixième femme kamikaze palestinienne depuis le début de la seconde Intifada, en septembre 2000, Hanadi aurait, selon le Djihad islamique, voulu venger, en provoquant cette hécatombe (19 civils israéliens juifs et arabes tués), la mort de son frère et de son cousin, tombés quatre mois plus tôt sous les balles de Tsahal», racontait L'Express en 2004.
En 2006, l’émotion est de nouveau grande lorsqu’une grand-mère palestinienne se tue près de soldats israéliens. Laissant neuf enfants et 41 petits-enfants, elle a expliqué dans une vidéo filmée avant sa mort «se sacrifier pour Dieu et pour son pays». Deux de ses fils avaient été tués quelques temps auparavant. Toujours difficile de définir les motivations profondes de tels actes, même si ce sont des mouvement religieux qui prônent de telles actions, normalement rejetées par les mouvements laïcs.Tout au long de la seconde Intifada, les kamikazes, féminins notamment, se sont multipliés.
Le terrorisme au féminin n'est pas que musulman. Il s’est particulièrement illustré au Sri Lanka. Les Tigres tamouls (de tendance plutôt marxiste) auraient utilisé les attentats comme méthode politique. Sur 462 attentats «48 ont été réalisés par des femmes, souvent âgées de moins de 25 ans», selon Rue89. De la même façon, le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), a depuis longtemps intégré les femmes aux actions violentes. Le premier attentat-suicide commis par une femme date de 1985. L’acte n’était pas religieux, affirme le site.
«Dans plus de 95% des cas, les attentats-suicides s'expliquent non par le religieux mais par l'opposition aux forces militaires étrangères», expliquait le chercheur américain Robert Pape, politologue à l'université de Chicago, cité par le journal canadien Le Devoir. Ce chercheur fait remonter à 1985, au Liban, le phénomène des femmes kamikazes : «Le 9 avril 1985, une jeune femme, Khyadali Sana, fait exploser sa voiture piégée près d'un convoi militaire israélien, faisant deux morts parmi les soldats», raconte-t-il.
Sans remonter aux kamikazes japonais de la Seconde guerre mondiale et plus près de nous, géographiquement, des femmes n’ont pas hésité à prendre les armes dans des actions violentes, que ce soit en Italie ou en Allemagne. Les exemples sont nombreux. Brigades rouges ou Fraction Armée rouge, les deux organisations ont compté de nombreuses femmes, victimes de leur engagement. Même si l’attentat-suicide ne faisait pas partie de l’arsenal utilisé.
On est loin de l’opération menée en 1969 par la Palestinienne Leïla Khaled. Cette militante palestinienne du FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), un mouvement marxiste, avait été la première femme à détourner un avion. Les Palestiniens libérèrent tous les passagers du vol TWA Los Angeles-Tel Aviv et firent sauter l’avion sur l’aéroport de Damas. Dans une interview en 2011, elle affirmait sur les attentats-suicides : «Nous ne voyons pas cela comme une façon de faire face à l'occupation (israélienne)».
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