L'Afrique à l'heure des hydrocarbures
Plusieurs pays ont récemment rejoint le club des producteurs africains d’hydrocabrures. A commencer par le Ghana et le Niger. Et la liste risque de continuer à s’allonger au fil des années… Car il ne se passe pas un mois sans que soit annoncé de nouvelles découvertes Le norvégien Statoil et l’américain ExxonMobil viennent ainsi de communiquer sur une nouveau (et gros) gisement de gaz en Tanzanie. Un peu plus tôt, des réserves considérables avaient été identifiées en mer, au large de ce dernier pays et du Mozambique. Ce qui relance l’appétit «pour cette région sous-exploitée». Car partout dans le monde, les compagnies pétrolières multiplient les recherches et les forages en raison d’une demande exponentielle, liée notamment à la croissance chinoise.
Première constatation : depuis une décennie, la majorité des découvertes sont le fait de firmes indépendantes, comme l’anglo-irlandais Tullow Oil, le britannique Afren Energy Plc ou le français Maurel et Prom. Ces firmes ont pris davantage de risques que les multinationales (les «majors») telles Exxon, Total ou le Chinois CNPC. Et parfois gagné le jackpot : les gisements ghanéens sont ainsi exploités par Tullow. «L’arrivée massive des indépendants a été un facteur important pour le développement du secteur pétrolier en Afrique», explique le consultant Duncan Clarke, cité par Jeune Afrique.
Chine contre Occidentaux
Dans le même temps, la soif d’or noir vient bousculer les équilibres géopolitiques d’un continent très instable depuis des décennies. Ainsi, la Chine, avide de matières premières, y a massivement investi depuis quelques années. De 2007 à 2009, ces investissements auraient ainsi été multipliés par dix. Avide de matières premières en tous genres, la seconde puissance économique du monde vient ainsi damer le pion aux Occidentaux et à leurs entreprises.
Conséquence : elle se place désormais en tête des partenaires commerciaux de l’Afrique. Avec un volume d’échange de 166 milliards de dollars, elle a remplacé la France et les Etats-Unis. En Angola, par exemple, elle a accordé des crédits de plus de 25 milliards de dollars et se fait payer… en pétrole et en gaz naturel. En parallèle, des milliers de Chinois, voire des dizaines de milliers, sont arrivés dans ce pays pour y travailler. Ils seraient aujourd’hui entre 500.000 et 800.000 dans tout le continent. Ce qui provoque des tensions avec les travailleurs locaux.
Les tensions sont également diplomatiques, comme on le voit notamment au Soudan (quelque 514.000 barils par jour), où en 15 ans, entre 1994 et 2009, l’ex-Empire du Milieu a investi près de 15 milliards de dollars. En raison de ses intérêts pétroliers, il est amené à jouer une partie serrée dans un pays qui a connu une sanglante guerre civile et dont le Sud a fait sécession en 2011. D’autant plus serrée que 75% des réserves d’hydrocarbures se trouvent aujourd’hui au Sud-Soudan et que Pékin avait soutenu le Nord d’Omar El-Béchir, accusé en 2009 de génocide et de crimes de guerre au Darfour par la Cour pénale internationale… Résultat : la Chine a dû changer de stratégie et trouver le moyen «de faire sortir le pétrole sud-soudanais sans passer par le nord». En l’occurrence, elle a scellé un accord avec le Kenya pour la mise en place d’un couloir routier et ferroviaire pour le transport du pétrole.
Quelle répartition des richesses ?
L’exploitation de l’or noir bouleverse aussi les équilibres sociaux en raison des flots d’argent qui se déversent sur les pays producteurs. Des sommes pas toujours réparties de manière équitable, c’est un doux euphémisme…
Tchad: où va l'argent de la manne pétrolière ?
Au Ghana, les autorités ont promis que leur pays éviterait «les pièges» dans lesquels sont tombés certains Etats pétroliers. Mais pour le reste, on pourrait multiplier les exemples de corruption liés aux détournements de l’argent des hydrocarbures, du Tchad au Cameroun en passant par le Nigéria. Dans ce pays, 400 milliards de dollars se seraient ainsi «évaporés dans la nature» en un demi-siècle. «Le pétrole représente 90% des recettes d'exportation du pays, dont 80 % sont accaparés par 1% de la population».
Dans le même temps, l’exploitation pétrolière a un effet dévastateur sur la vie des populations locales en raison des pollutions qu’elle induit, comme le dénoncent Amnesty International et un rapport du Programme des Nations Unies.
Etats-Unis/Afrique: entre pétrole et stratégie anti-terroriste
Le Dessous des cartes, 11-1-2006
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