L'Algérie s'oppose à une éventuelle intervention turque en Libye
Le parlement turc a autorisé le président Recep Tayyip Erdogan à envoyer des militaires en Libye pour soutenir le gouvernement de Tripoli.
Les députés turcs ont approuvé le 2 janvier 2020, une motion permettant au président Recep Tayyip Erdogan d'envoyer des militaires en Libye pour soutenir le gouvernement de Tripoli. "L'Algérie n’accepte aucune présence étrangère sur le sol du pays voisin et cela quel que soit le pays qui veut intervenir", a déclaré, dans la foulée, le ministre des Affaires étrangères Sabri Boukadoum, cité par le site observalgerie.com. Dès le 10 décembre 2019, Franceinfo Afrique avait annoncé qu'Ankara était "prêt à envoyer des troupes pour soutenir le gouvernement Sarraj", rival de Khalifa Haftar, homme fort de l'Est libyen.
"La langue de l’artillerie ne peut être la solution. Cette dernière réside dans un dialogue sérieux entre les belligérants avec l’aide des pays voisins, notamment l’Algérie", a ajouté Sabri Boukadoum. L'Algérie et la Libye ont une frontière commune longue de près de 1000 km.
"La démarche turque qui vise à déployer des troupes sur le sol libyen internationalise la crise de fait et met l’Algérie devant le fait accompli", a poursuivi le ministre. Avec la décision turque, la crise s'internationalise en effet un peu plus. Comme le rappelle franceinfo Afrique, le Gouvernement d'union nationale (GNA) de "Fayez al-Sarraj est notamment soutenu par la Turquie et le Qatar. L'Italie, ancienne puissance coloniale en Libye, semble aussi en sa faveur. (...) Khalifa Haftar (...) bénéficie de son côté du soutien de l'Egypte et des Emirats arabes unis et d'un appui au moins politique, notamment des Etats-Unis et de la Russie. La France a été accusée de le privilégier, ce dont elle se défend."
En Algérie, la position de Sabri Boukadoum est partagée par Lakhdar Bouregaa, vétéran respecté de la guerre d'indépendance et figure du mouvement populaire de contestation (Hirak), remis en liberté le 2 janvier après six mois de détention provisoire. Cité par le site de la chaîne privée Dzaïr, il a dénoncé "l’interventionnisme du président turc Recep Tayyip Erdogan" qu’il estime "être aux portes de l’Algérie". A ses yeux, ce dernier serait "un allié d’Israël".
L'influence croissante de la Turquie en Méditerranée orientale
Lors d'une session parlementaire extraordinaire, 325 députés turcs ont voté pour et 184 contre un texte qui donne à l'armée un mandat pour intervenir en Libye, valable pendant un an. Les principaux partis d'opposition ont voté contre ce texte. A leurs yeux, une intervention en Libye pourrait déstabiliser la région et entraîner la Turquie, qui a perdu plusieurs dizaines de soldats en Syrie, dans un nouveau bourbier.
Le gouvernement d'Ankara affirme agir en réponse à un appel à l'aide du pouvoir de Fayez al-Sarraj, confronté à une offensive des forces de Khalifa Haftar, qui s'efforcent de prendre Tripoli. L'adoption de la motion "est une étape importante pour assurer la paix et la stabilité en Libye et défendre nos intérêts en Afrique du Nord et en Méditerranée", a réagi le porte-parole de Recep Erdogan après le vote. Dans le même temps, la présidence turque a annoncé que ce dernier s'était entretenu de la Libye avec son homologue américain Donald Trump, sans donner de détails.
Outre les difficultés propres au déploiement de troupes dans un pays qui n'est pas frontalier, contrairement à la Syrie où Ankara intervient actuellement, un déploiement en Libye s'accompagnerait d'un risque d'incident avec la Russie. Même si Moscou dément, l'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, et le président Erdogan affirment que des mercenaires russes sont engagés aux côtés des forces de Haftar, qui s'efforcent depuis avril 2019 de s'emparer de Tripoli.
Le soutien de la Turquie à Fayez al-Sarraj s'inscrit dans le cadre de la présence croissante d'Ankara en Méditerranée orientale. Cette région est le théâtre d'une course aux forages d'hydrocarbures avec la découverte d'importants gisements ces dernières années. En raison de l'accord maritime conclu en novembre 2019, qui étend considérablement son plateau continental, la Turquie a plus que jamais besoin du GNA d'al-Sarraj pour faire valoir ses revendications en Méditerranée orientale où plusieurs pays comme la Grèce, Chypre et l'Egypte font front commun face aux initiatives turques.
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