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Révolution libyenne: le statut de «victimes de guerre» aux femmes violées

Le gouvernement libyen a adopté, le 19 février 2014, un décret de loi reconnaissant comme «victimes de guerre» les femmes victimes de viol lors des huit mois de la révolution de 2011 ayant conduit au renversement de Mouammar Kadhafi. Ce décret prévoit notamment d’attribuer à ces libyennes des aides médicales et financières.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le ministre libyen de la Justice Salah al-Mirghani donne une conférence de presse suite à l'enlèvement de cinq diplomates égyptiens le 25 Janvier 2014 à Tripoli en Libye.  (AFP - MAHMUD TURKIA)

Le décret est entré en vigueur dès son adoption. Il donne aux libyennes agressées sexuellement lors du conflit de 2011 le droit de bénéficier d'une assistance médicale, économique et juridique afin notamment de poursuivre en justice leurs agresseurs. Une commission spéciale doit également être créée dans plusieurs villes pour recenser les femmes bénéficiaires de la loi, en garantissant le secret absolu de toutes les informations recueillies.

«Cette loi était attendue par des milliers de femmes en Libye», s’est félicitée Souhayr Belhassan, présidente d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) dans un communiqué. Souhaitant que d’autres pays s’inspirent d'une telle mesure, Mme Belhassan regrette toutefois que le texte, soumis au Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique et législative issue des élections de 2012, ait été adopté en tant que décret. «La société civile et la FIDH continueront à appeler le Parlement libyen à assumer ses responsabilités envers les victimes en adoptant le texte sous forme de loi», a-t-elle ajouté.

Le viol «comme une arme»
A Paris, lors d'une visite du ministre libyen de la Justice Salah al-Marghani, à l'Assemblée nationale, le 18 février 2014, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a évoqué l'impact qu'un tel texte aurait pour toutes les victimes de viols en Syrie, au Mali, au Congo, en Centreafrique, rappelle Le Monde. La ministre française a également proposé au ministre libyen une expertise de la France sur la question des violences sexuelles, notamment pour la collecte des preuves et la formation de professionnels, souligne le quotidien.

Le régime de Mouammar Kadhafi est accusé d'avoir utilisé le viol «comme une arme» contre la rébellion, lors du conflit de 2011 qui a renversé le dictateur tué en octobre 2011. La plupart des violences sexuelles auraient été commises à Misrata (ouest) durant les semaines de combats qui furent parmi les plus sanglantes du soulèvement. Si des milliers de femmes ont été violées par «les hommes» du colonel Kadhafi pendant la révolution, des milliers d'autres ont, au cours des 42 ans de règne du dictateur, subi des agressions sexuelles.



Jusqu'à présent aucune enquête n'a pu être menée sur ces cas de viols, un sujet tabou en Libye sur lequel les victimes refusent de s'exprimer. «Le décret protège les victimes et leur permettra ainsi de témoigner, ce qui nous aidera à recenser les cas», a indiqué le ministre libyen de la Justice dont le gouvernement avait élaboré un projet de loi en juin 2013 suite à la protestation de nombreuses femmes manifestant dans la rue. 

Qualifié de «première mondiale» par la FIDH, l'adoption du décret intervient au moment où pour la première fois les Libyens votent pour élire leur Assemblée constituante qui sera chargée de rédiger la nouvelle loi fondamentale du pays. Un espoir pour la démocratie.

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