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Afrique: le cri de détresse des personnes handicapées, abandonnées à leur sort
Ils veulent être considérés comme des citoyens à part entière et dénoncent leur exclusion. Dans plusieurs capitales africaines, les personnes handicapées manifestent pour réclamer leurs droits. Pour ne plus faire figure de parias, stigmatisés par le reste de la population.
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«Nous sommes des handicapés et non des incapables.» C’est le cri de détresse des diplômés maliens en situation de handicap. Ils étaient des centaines le 12 juin à observer un sit-in devant le ministère du Travail à Bamako. Ils réclament une meilleure intégration dans la fonction publique, conformément à une décision prise par le gouvernement depuis 2012 et qui n’a pas été appliquée.
Les manifestants accusent les pouvoirs publics de les avoir totalement abandonnés: «On n’a pas de travail, on n'a rien dans ce pays. Et puis on nous dit de ne pas mendier»... «Ce n’est pas parce que tu es boiteux, parce que tu es manchot. Ce n’est pas parce que tu es aveugle que tu dois être considéré comme un morceau de malien», lancent-ils au micro de la BBC.
Des avancées technologiques au service des handicapés
Le Mali compte deux millions de handicapés, soit 15% de la population. Une loi destinée à les protéger et à leur accorder une assistance adaptée vient d’être adoptée par l’Assemblée nationale le 10 mai 2018. Le président de la Fédération malienne des personnes handicapées, Moktar Bah, espère que cette loi ne restera pas qu’un chiffon de papier.
«Les avancées technologiques récentes représentent un atout. Elles pourraient faciliter l’aménagement des lieux de travail accessibles et faciliter la communication pour les personnes ayant une incapacité auditive liée à la parole ou au langage, à réduire l’incapacité intellectuelle, à faciliter la lecture ou l’utilisation d’un ordinateur pour les personnes ayant une incapacité visuelle», plaide-t-il.
Stop aux actes de maltraitance contre les handicapés
Au Sénégal, une vidéo mise en ligne le week-end du 9 juin a provoqué de nombreuses réactions de colère sur la toile sénégalaise. On y voit une dame handicapée malmenée par un agent de sécurité. Cette affaire a suscité l’indignation jusqu’à la présidence du Sénégal. Le président Macky Sall a demandé à son gouvernement de déployer un plan spécial de lutte contre la maltraitance des personnes vivant avec un handicap.
Les handicapés de Conakry: des «porte-malheurs»
En Guinée, ils sont considérés comme une malédiction. Condamnées à mendier pour subvenir à leurs besoins, les personnes handicapées sont obligées de vivre dans la rue, en marge de la société.
«En Guinée, l’image de la personne handicapée est systématiquement associée à celle du mendiant. Par manque de trottoirs appropriés, ils sont obligés d’emprunter les mêmes voies que les véhicules avec tous les risques. Aucun système n’est mis en place pour leur permettre de se déplacer», témoigne Fatoumata Chérif sur le site des Observateurs de France 24.
Pour elle, les sourds-muets sont parmi les plus vulnérables face aux problèmes de sécurité qui les guettent, confie-t-elle à l'AFP.
«Avec toutes les histoires de vols et de kidnapping que l’on connaît, les sourds-muets sont d’autant plus vulnérables qu’ils peuvent difficilement décrire ce qui leur est arrivé, puisque beaucoup de personnes handicapées sont analphabètes et peu de gens connaissent la langue des signes en Guinée», déplore Fatoumata Chérif. Elle espère qu’un projet de loi soumis à l’Assemblée nationale permettra aux personnes handicapées d’être identifiées et d’être enfin prises en charge.
«Il y a aussi le regard des autres. C’est compliqué»
Qu’ils soient Maliens, Guinéens, Ivoiriens… les handicapés redoutent une chose: le regard d’autrui.
«Le regard des autres, c’est compliqué, même dans nos familles. Certains nous rejettent parce que nous sommes handicapés», se désole Victoire Yao, une étudiante ivoirienne à l’université de Yamoussoukro. Handicapée gravement à la colonne vertébrale depuis sa naissance, elle vit toujours la tête penchée.
«C’est vraiment difficile en Afrique. Par exemple dans nos universités, les infrastructures ne sont pas construites en fonction de nous», explique-t-elle. Mais Victoire Yao est très enthousiaste ce jeudi 24 mai 2018. Pour la première fois, elle a assisté à un spectacle formidable: le concours de Miss Handicap Côte d’Ivoire. Une première.
Dix jeunes femmes, handicapées, défilent sur le podium. L’une, malvoyante, est accompagnée par un guide. Une autre marche avec une béquille. Une autre encore se déhanche avec des chaussures orthopédiques et une semelle compensée de 15 cm. Leur courage suscite l’admiration des spectateurs qui les acclament.
«La beauté du monde, c’est la différence. On fait partie d’une minorité et on doit se faire entendre de la majorité… Beaucoup de handicapés ne sont pas scolarisés. Ils restent enfermés à la maison. On laisse ces gens sans formation, sans études», déplore la chanteuse Nuela, l’organisatrice de cet événement. Née avec une malformation congénitale aux jambes, elle a été opérée 36 fois et marche toujours avec douleur.
La Côte d’Ivoire est le deuxième pays africain à organiser le concours après le Cameroun qui en est à sa troisième édition. Les organisateurs ont promis d’initier un concours Miss Handicap Afrique. Il s’agit, espèrent-ils, de lutter contre «une double discrimination», contre les femmes et contre le handicap.
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