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"Barkhane ? Qu’elle s’en aille !" : au Mali, le discours anti-Occident se renforce

Alors qu'une cérémonie protocolaire a fait du colonel Assimi Goïta le président du Mali après un nouveau coup d'Etat, les discours des élites maliennes s'inscrivent dans la tendance actuelle : une volonté de s'émanciper des occidentaux et en particulier de la France.

Article rédigé par franceinfo - Nathanaël Charbonnier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des officiers maliens lors de la cérémonie d'investiture du colonel Assimi Goïta, le 7 juin 2021 à Bamako. (ANNIE RISEMBERG / AFP)

Depuis quelques semaines les relations entre le Mali et la France se sont tendues. Après deux coups d'Etat successifs, le colonel Assimi Goïta a endossé officiellement lundi 7 juin le rôle de président du Mali et de la transition. Quelques jours auparavant, le président de la République, Emmanuel Macron, avait décidé l'arrêt des opérations militaires conjointes sur un territoire où la France est présente pour lutter contre le jihadisme. Le tout alors qu'une volonté de plus en plus affirmée de s'émanciper des Occidentaux s'impose au Mali.  

Et il n’y a pas que dans les rues que la petite musique se fait entendre. Sur les tapis rouges aussi, on peut sentir monter le vent du changement. Il y a les versions diplomatiques très enrobées, comme celle de cet ancien ministre malien qui demande à la France d’être plus compréhensive avec son pays et ses coutumes, dans un esprit de "partage" et d'"indulgence". "Ce sont les militaires qui ont fait la France, pas les hommes politiques. On peut et on doit faire confiance à nos militaires. Maintenant, il faut que les militaires composent."

"Que les Français et les Occidentaux nous accompagnent dans nos difficultés et essaient de nous comprendre. Nous n’avons pas la même histoire, la même culture, alors il faut qu’ils parlent moins et qu’ils agissent beaucoup."

Un ancien ministre malien

franceinfo

Il y a aussi les versions beaucoup plus directes de ceux qui n’ont aucun scrupule à se réjouir et à imaginer un futur départ de la France, de la force militaire Barkhane, des soldats des forces spéciales européennes de Tabuka, voire de la Minusma, l'opération de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Exemple, ce notable de Bamako : "Aujourd'hui, nous, les Maliens, notre souci c’est vraiment de nous prendre en charge. Même la Minusma, si on a le pouvoir de la faire partir, on va la faire partir. Trop c'est trop ! Il n’y a pas de changement alors que la Minusma est là, que la force Barkhane est là, et bientôt la force Takuba ou je ne sais quoi. Et ? Rien  ! Quel changement ? Il n'y en a pas ! Aujourd'hui, nous les Maliens, on veut avoir notre indépendance. On veut apporter à notre pays la paix et la quiétude."  A la question : Barkhane doit-elle partir aussi ? La réponse, donnée du tac au tac, est limpide : "Barkhane ? Qu’elle s’en aille !"

Partir, une sorte de rengaine qui revient sans cesse. Cet élu du nord du pays, même sans le dire, semble ne pas penser autre chose. "Ce n'est pas à moi de le décider. S'ils sont là, c'est parce qu'ils ont été appelés. S'ils doivent partir, c'est ceux-là qui les ont appelés qui doivent pouvoir leur dire de partir."  Lundi, la France était la grande absente du discours du nouveau président malien énoncé lors de la cérémonie, alors même qu'elle dispose à ce jour de plus de 5.000 hommes sur le terrain.

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