On vous dit pourquoi la France suspend ses missions communes avec l'armée malienne
La décision de Paris se veut une réaction à la prise du pouvoir par la force du colonel Goïta, nouvel homme fort de Bamako.
La France vient de décider la suspension "à titre conservatoire et temporaire des opérations militaires conjointes avec les forces maliennes ainsi que les missions nationales de conseil à leur profit". Cette annonce du ministère des Armées est un gros coup de pression sur le colonel Goïta qui, a l'issue d'un nouveau coup d'Etat, s'est propulsé à la tête du Mali. La décision fait suite aux propos du président français Emmanuel Macron qui évoquait l'éventuel retrait des troupes françaises du pays : "Je ne resterai pas aux côtés d'un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique, ni de transition", a-t-il déclaré le 29 mai 2021 au Journal du Dimanche.
La nomination pressentie comme Premier ministre de Choguel Kokala Maïga, président du comité stratégique du mouvement M5, très critique vis-à-vis de la présence française, n'arrange rien à l'affaire.
La mission de Barkhane
Il s'agit là d'une remise en cause spectaculaire de la doctrine même de Barkhane, qui "repose sur une logique de partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne", selon les termes du ministère des Armées. Barkhane accompagne, mais les partenaires du G5-Sahel doivent s'approprier la lutte contre les groupes armés terroristes.
La décision semble également concerner la participation de la France à la Mission européenne de formation de l'armé malienne (EUTM Mali) lancée dès février 2013. Laquelle entraîne des unités avant leur déploiement en zone d'opérations, forme des cadres et des instructeurs. La France y concourt actuellement avec une vingtaine de militaires. 2 000 stagiaires sont formés chaque année.
Barkhane, qui opère seule, intervient également en appui aux opérations des forces partenaires. Cela veut dire des missions de reconnaissance communes, du soutien aérien, de la logistique. Récemment, les soldats maliens et français ont ainsi mené une mission de sécurisation dans l'ouest du Gourma malien. Les groupes armés terroristes y attaquent régulièrement la route qui relie Gao à Douentza.
Quelle suite ?
L'opinion publique malienne est largement convaincue de l'inefficacité de Barkhane dans la sécurisation du mali. "Mais c'est oublier que sa présence, aussi inefficace qu'elle puisse paraître, permet sans doute d'annihiler dans une certaine mesure la capacité d'expansion des groupes armés terroristes qui écument le nord du Mali", analyse le chercheur malien Boubacar Haidara dans The Conversation.
Certains observateurs voient dans la décision de la France de ne plus accompagner l'armée malienne le préambule du retrait des soldats français du Sahel. Mais dès à présent, c'est déjà un coup dur pour le pouvoir de Bamako. Il va devoir démontrer sa capacité à lutter seul contre les groupes armés terroristes. Or, confronté à la faiblesse son armée, Bamako ne peut clairement pas assumer cette mission en solitaire. Le colonel Goïta est bien placé pour le savoir.
Le bras de fer est désormais engagé, même si pour beaucoup cela relève plus d'une posture de la part de Paris. "Une décision à minima" estime Caroline Roussy, chercheuse à l'IRIS, citée par l'AFP. Selon elle, cela marque surtout "la volonté de peser dans la composition du nouveau gouvernement malien." Reste à savoir ce que le tout puissant colonel Goïta fera du message.
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