Mali : pour Dominique de Villepin, "partir ne serait pas la bonne décision"
Partir "serait clairement un signal de victoire des islamistes sur le terrain", estime l'ancien chef de gouvernement et de la diplomatie qui appelle la France à prendre ses responsabilités.
"Notre capacité à réduire l'insécurité n'est pas au rendez-vous" au Mali, "la situation se dégrade", a déploré Dominique de Villepin, ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères sous Jacques Chirac, invité mercredi 9 février sur France Inter. "Il faut en tirer les leçons mais partir ne serait pas la bonne décision dans la mesure où cela serait clairement un signal de victoire des islamistes sur le terrain", a-t-il poursuivi, appelant la France "à prendre ses responsabilités" et à "changer de posture militaire, politique et économique", alors que la junte au pouvoir a décidé d'expulser l'ambassadeur de France au Mali.
"Nous avons trop misé sur le militaire et insuffisamment pris en compte le fait que nous intervenions dans une région en crise, avec des États défaillants."
Dominique de Villepin, ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangèresà franceinfo
"À mesure des coups d'État, notre position est devenue incertaine, difficile et extrêmement inconfortable (…) mais extrêmement prévisible", selon lui. "Plus on a passé de temps là-bas, plus l'échec devenait certain", a ajouté Dominique de Villepin, convaincu qu'une intervention militaire d'un pays comme la France, en Afrique, "ne peut être que ponctuelle, limitée dans le temps", même si cette intervention était réclamée par le Mali. "Il n'empêche, ce n'était pas notre intérêt de rester 9 ans et cela l'est encore moins quand on voit les conditions se dégrader et notre incapacité à remplir la mission fixée", a jugé l'ancien ministre des Affaires étrangères.
"Il faut séparer les groupes islamistes et terroristes les uns des autres"
"Il faut peut-être aussi changer nos lignes rouges", a déclaré Dominique de Villepin. Selon lui, "le problème c'est qu'on a perdu le contact avec le terrain". "Quand on fait une intervention militaire, il faut être fort sur le terrain, or, aujourd'hui, nos interlocuteurs se sont des militaires issus de coups d'État, mais il ne faut pas perdre le contact avec ceux qui sont en situation de pouvoir légitime ou pas", a-t-il estimé. Pour l'ancien Premier ministre il est nécessaire de prendre en compte le fait que "la junte ne veut pas qu'on fasse fi de la souveraineté de son pays".
"Je crois que si on veut faire notre travail efficacement là-bas, il faut maintenir un dialogue avec l'ensemble des partis", avance Dominique de Villepin.
"Il faut se poser la question de la négociation entre les islamistes, les terroristes et les politiques car les terroristes d'aujourd'hui seront, sans doute pour certains d'entre eux, acceptables demain."
Dominique de Villepin, ancien chef de gouvernementà franceinfo
"Il faut être pragmatique et prendre en compte le fait que les populations se dégagent de nous parce qu'ils ont le sentiment que notre présence ne règle pas les choses", a résumé Dominique de Villepin. "Il faut traiter avec beaucoup de sang-froid, s'adapter au terrain, trouver de nouvelles façons de travailler sur le terrain, privilégier l'adresse aux populations et séparer les groupes islamistes et terroristes les uns des autres", a-t-il insisté.
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