Libération de Sophie Pétronin : "100 jihadistes remis dans la nature, un prix très cher", estime un spécialiste de la sécurité au Sahel
"Ils vont reprendre les armes immédiatement", affirme Peer de Jong, ancien aide de camp des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac.
"Cela n’a pas de prix de libérer des personnes prises en otage, mais quoi qu'il en soit, le prix est très, très cher", a réagi Peer de Jong, ancien aide de camp des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac et coauteur de Sécurité et développement dans le Sahel, du concept à la réalité (Editions l’Harmattan), vendredi 9 octobre sur franceinfo après la libération de Sophie Pétronin. Selon lui, la libération d’une centaine de jihadistes la semaine dernière comme éventuelle monnaie d’échange "est une réelle catastrophe" pour le Mali.
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franceinfo : Pourquoi était-ce si difficile d'obtenir la libération de Sophie Pétronin ?
Peer de Jong : C’est certainement une question de prix. Les négociations ont toujours un prix. Ce sont les Italiens et les Français, il fallait payer quelque chose. Les négociations ont tourné autour de la rançon qu'il fallait payer. En fait, il y avait un quatrième personnage, c’est Soumaïla Cissé, un homme politique très connu qui était en campagne électorale pour les élections législatives au Mali. Il y a eu un déclic qui était qu’un homme politique très connu au Mali a été fait prisonnier. La solution qui a été trouvée était de l’échanger contre des prisonniers d'Al-Qaïda qui étaient en prison au Mali.
Le Mali a été le théâtre d'un putsch militaire au mois d'août. Est-ce que ce putsch a permis d’accélérer la libération de Sophie Pétronin ?
À l'évidence, les événements politiques au Mali au mois d'août ont été déterminants. Je pense que les conditions de la négociation ont été transformées et que des deux côtés, on avait besoin d'apaisement et de trouver une solution. C’est à l'évidence le Conseil national du salut du peuple (CNSP), l'émanation politique de la junte [qui a pris le pouvoir au Mali], qui a pu négocier et transformer les négociations qu’ils avaient mis en place avec Al-Qaïda. Al-Qaïda, c’est le Jnim [Jama'at nusrat al-islam wal-muslimin, ou Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, une organisation salafiste]. Le Jnim, c’est une espèce de consortium terroriste qui amalgame Al-Qaïda. Un système assez nébuleux. C’est relativement compliqué de négocier avec ces structures-là. Mais à l'évidence, c’est le CNSP qui a trouvé la solution pour pouvoir négocier avec eux.
La junte militaire au pouvoir au Mali a fait libérer le week-end dernier plus d'une centaine de jihadistes de prison. Cela n’était pas suffisant, il fallait une rançon en plus ?
La rançon financière que vous évoquez, personne n'en saura jamais rien ou on saura dans quelques années ce qui a été négocié. De toute façon, la libération d'une centaine de jihadistes qui étaient en prison, on parle de 200, c'est une réelle catastrophe pour le pays. Cela n’a pas de prix de libérer des personnes prises en otage, mais quoi qu'il en soit, encore une fois, le prix est très, très cher. Cent jihadistes remis dans la nature c’est quand même relativement dur à avaler pour les combattants, pour l'armée malienne, etc. Et bien évidemment, ils vont reprendre les armes immédiatement. Il n'y a aucune raison qu'ils restent tranquillement à faire de l'agriculture. Ils vont repartir sur le terrain.
Avec la libération de Sophie Pétronin, il n'y a plus d'otages français aux mains de jihadistes. Est-ce que cela peut permettre à l'armée d'avoir un peu plus les coudées franches ?
Je ne pense pas. Cette notion n’était pas prise en compte pour des raisons liées à une série de facteurs. Le premier, c'est que personne ne savait où elle était réellement. Le deuxième facteur, c'est que les opérations militaires Barkhane sont à Gao, globalement à l’est du Mali, ce qu'on appelle la région des Trois frontières. Madame Pétronin était... n’importe où. Le Mali est un pays immense. Le fait que madame Pétronin soit prise en otage n'entrait pas en ligne de compte dans les opérations militaires que les Français montaient.
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