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Mali, Libye, Côte d'Ivoire.. A la CAN, le football devient très politique

Comme en 2010 et 2012, un pays participant à la Coupe d'Afrique des nations est en pleine guerre. Cette année, c'est le Mali.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un supporter du Mali porte un couvre-chef aux couleurs de la France lors du match Mali-Niger, le 20 janvier 2013 à Port Elizabeth (Afrique du Sud). (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

La Côte d'Ivoire en 2010, la Libye en 2012 et maintenant, le Mali. Comme chaque année, la Coupe d'Afrique des nations (CAN) accueille un pays en difficulté (crise politique, guerre civile, intervention étrangère…). L'équipe du Mali, victorieuse du Niger dimanche 20 janvier, a offert 90 minutes de réconfort aux habitants du pays, théâtre depuis plusieurs semaines d'affrontements entre les islamistes et l'armée française venue soutenir les soldats maliens. L'occasion aussi pour la politique d'investir une compétition où elle est reine.

Des présidents tout-puissants

En Afrique, le football est avant tout du ressort des chefs d'Etat. Qui choisit le sélectionneur dans nombre de pays africains ? Le président. Comme au Congo, où Claude Le Roy ne cache pas qu'il doit son poste à Joseph Kabila. "Il m'a appelé en disant qu'il fallait se qualifier pour la CAN après en avoir raté trois", explique, sur lequipe.fr, celui qu'on surnomme "le sorcier blanc"Qui choisit la composition de l'équipe ? Le président. Au Togo, il a ordonné à Emmanuel Adebayor, vedette de l'équipe, de réintégrer la sélection. Qui fixe les objectifs ? Le président. Au Nigeria, Goodluck Jonathan a expliqué que la victoire des Super Eagles à la CAN n'était "pas négociable", rapporte le journal nigérian The Vanguard (en anglais).

L'ingérence politique dans les affaires footballistiques peut aller très loin : en Egypte, sous Moubarak, le sélectionneur ne choisissait que des joueurs musulmans, excluant les coptes (chrétiens d'Egypte), qui représentent pourtant 10% de la population, dénonce CoptsUnited (en anglais)"Le sélectionneur faisait passer une épreuve religieuse en plus de tests sportifs", écrit l'universitaire James Dorsey sur son blog The Turbulent World of Middle East Soccer (en anglais). C'était il y a seulement trois ans.

Des footballeurs pas toujours neutres

La Côte d'Ivoire de Didier Drogba a joué les équilibristes pendant la décennie qu'a duré sa crise politique. L'ex-attaquant de Chelsea a toujours veillé à ménager le pouvoir gbagboïste et les rebelles pendant la guerre civile, en faisant jouer des matchs décisifs à Bouaké, "capitale" de la zone rebelle. Ce qui lui a valu le surnom d'"amour de la Côte d'Ivoire".

Les joueurs de l'équipe de Côte d'Ivoire après leur défaite en finale de la Coupe d'Afrique des nations 2012, perdue face à la Zambie, à Libreville (Gabon), le 12 février 2012.  (FRANCK FIFE / AFP)

Ce dont on se souvient moins, c'est que l'équipe des Éléphants s'est scindée en deux pendant la CAN 2010, marquée par les rivalités entre Drogba, chrétien du sud, et les frères Touré, musulmans du Nord, qui ne se sont pas passé la balle de la compétition, rappelle Jeune Afrique. L'affaire est aujourd'hui classée, et Didier Drogba entretient de bonnes relations avec Alassane Ouattara, le nouveau président ivoirien.

Le printemps arabe, aussi sur le terrain

Le site anglais Football Speak a constaté que sur six pays du printemps arabe (Tunisie, Libye, Soudan, Maroc, Algérie et Egypte) tous avaient connu une nette amélioration de leurs résultats, sauf l'Egypte. Une des explications les plus souvent avancées par les footballeurs est qu'"ils ont l'impression, désormais, de jouer pour leur pays plutôt que pour un dictateur", rapporte le site Play the Game (en anglais).

Qualifiée à la surprise générale pour la CAN 2012 après plus de 40 ans de dictature du colonel Kadhafi, la Libye en est la parfaite illustration. Nouvel hymne, nouveau drapeau, nouveau capitaine (le précédent était un cacique du régime) et nouveaux résultats. De pays de seconde zone du foot africain, la Libye s'est offert un strapontin dans l'élite.

Des footballeurs maliens impuissants

La sélection malienne peut-elle changer la face du conflit qui ravage son pays ? Un reporter de France Culture a tweeté une scène surréaliste dans les rues de Sévaré, sur la ligne de front Les habitants se congratulaient dans les rues, s'embrassaient, fêtaient la victoire de l'équipe du Mali contre le Niger en Coupe d'Afrique des nations. Pendant que les hélicoptères français survolaient la ville en rase-mottes.

Mais les vedettes des Aigles du Mali ne tirent pas de plans sur la comète. Le sélectionneur, Patrice Carteron, veut que ses joueurs se concentrent sur le ballon, pas sur la politique : "Le football doit rester un jeu, et mettre trop de pression sur les épaules des joueurs, ça ne les servirait pas du tout." Le capitaine, Seydou Keita, ne se berce pas d'illusions : "Notre boulot, c'est de jouer au football. On va essayer de faire du mieux possible, mais on ne peut rien faire par rapport aux évènements qui se déroulent au Mali". Le joueur portait quand même un t-shirt "La paix au Mali" lors des interviews d'après-match, note un journaliste de RFI.

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