Au Maroc, des appels au boycott secouent les consommateurs
Difficile de mesurer l'ampleur du phénomène. En tout cas les réseaux sociaux se font l'écho de ces appels au boycott qui visent essentiellement trois marques, une de carburant, une de produit laitier et une d'eau minérale. La campagne de boycott, lancée le 20 avril sur des pages Facebook et ciblant Afriquia (dont l'actionnaire majoritaire est l'homme d'affaires et ministre de l'Agriculture Aziz Akhannouch), Sidi Ali et Centrale Danone semble fonctionner à en croire le journal marocain TelQuel qui a réalisé un reportage dans les cafés et les magasins. «Le pouvoir du boycott est d’une efficacité inédite puisque les livreurs de Centrale n’arrivent plus à écouler ce qu’ils ont à livrer aux épiciers. "Un Camion de Centrale est arrivé ce matin pour nous livrer, mais nous n’avons rien récupéré parce que les clients n’en veulent plus", témoigne un commerçant, cité par TelQuel, chose que confirment samedi plusieurs autres épiciers»..
A Casablanca, la campagne de boycott bat son pleinhttps://t.co/9wzGlxK736 pic.twitter.com/BdYkq1HG32
— TelQuel (@TelQuelOfficiel) April 29, 2018
«des revendications sociales»
Même effet au niveau de la distribution d'essence. «"Ça fait trois jours qu’on chôme", nous a indiqué un agent d’une station d’essence du groupe Akwa se trouvant au quartier La Gironde. Certains concurrents disent qu’ils n’ont pas remarqué une augmentation de la demande dans les stations de service, tandis que d’autres affirment en profiter. "D’habitude, nous sommes à 40.000 DH de chiffre d'affaires par jour. Mais, hier nous avons doublé ce chiffre", nous dit également un agent d’une station d’essence concurrente, en plein centre de Casablanca», ajoute TelQuel.
«Les initiateurs adoptent une posture de défiance envers les grandes entreprises marocaines, accusées de «s’enrichir sur le dos des citoyens» et tracent volontiers une ligne de démarcation entre le «peuple» et les élites économiques, en faisant resurgir une fracture sociale et en cherchant à inverser les rapports de force«, note MiddleeastEye..
La politique s'est bien sûr emparée du débat. Certains ont vu dans cette opération une action menée en sous-main par le PJD , islamiste. Ce que le parti dément...mollement. L'Istiqlal, parti de l'opposition, estime que «le boycott reflète la souffrance des citoyens face à la cherté de la vie ». Son secrétaire général, Nizar Baraka a expliqué que le boycott était «un nouveau moyen utilisé pour porter des revendications sociales », et a appelé le gouvernement à «saisir le message».
Un mouvement de boycott atypique contre des marques de grande consommation au Maroc https://t.co/D9llEhQM4g via @Medias24 pic.twitter.com/isLGnW5fiH
— Medias24 (@Medias24) April 25, 2018
La campagne fait réagir. Le gouvernement reste prudent. Des ministres ont commenté de façon prudente cette opération. Les plus critiques attirant l'attention sur les risques économiques pesant sur les sociétés visées. Selon le site HuffPostMaghreb, le site alaoual.com a annoncé l’arrestation mardi 24 avril à Casablanca d’un chauffeur de taxi qui aurait appelé, dans une vidéo partagée sur WhatsApp, au boycott des marques en menaçant de représailles physiques les personnes qui ne s’y conformeraient pas.
Difficile en tout cas pour l'instant de mesurer quels peuvent être les effets d'une telle opération tant sur les plans politiques qu'économiques ou sociaux. Le ste marocain Medias24 s'interroge. «S’agit-il d’un acte politique, d’une sorte de glissement du pouvoir politique vers le pouvoir du consommateur? S’agit-il d’une réaction contre le gouvernement accusé de collusion, d’impuissance ou de complicité indirecte avec ces capitalistes? S’agit-il d’une manipulation, locale ou étrangère, à des fins politiques? S'agit-il d'une forme de grogne sociale? S'agit-il d'une prise de position diffuse contre le libéralisme? contre le modèle de développement et la répartition des richesses? S'agit-il d'une protestation contre la détérioration du niveau de vie? Peut-être un peu de tout».
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