Au Maroc, l’interruption volontaire de grossesse toujours punie par de la prison ferme
L’avortement n’est autorisé au Maroc que si la vie de la femme enceinte est en danger, pas en cas de viol ou de malformation grave. Conséquence, on estime à plus de 500 le nombre d’IVG pratiquées illégalement chaque jour dans le pays, avec des complications parfois dramatiques pour la santé des femmes.
Six personnes, dont deux médecins, sont jugées actuellement au Maroc pour des interruptions volontaires de grossesse (IVG) clandestines. Parmi elles, un pilote de ligne poursuivi pour avoir importé illégalement les anti-inflammatoires nécessaires à ce type d’intervention. Le "réseau" d’avortements clandestin a été démantelé dans la ville de Marrakech. Les médecins affirment vouloir sauver des vies "en évitant le recours à des avorteuses d’arrière-cour qui s’y prennent avec des aiguilles à tricoter non stérilisées".
Au Maroc, le code pénal sanctionne aussi bien la femme qui avorte (de six mois à deux ans de prison) que les personnes qui pratiquent l'acte (de un à cinq ans de prison). Les interruptions de grossesse ne sont autorisées que si la vie de la femme enceinte est en danger. Une proposition de loi autorisant "l’interruption médicalisée de la grossesse" en cas de viol, d’inceste, de handicap mental ou de malformation très grave du fœtus est bloquée depuis 2015 au parlement. Les formations politiques n'osent pas affronter les courants religieux hostiles à cette émancipation des femmes.
Avortement sous le manteau avec tous les dangers que cela suppose
Bien qu’aucune statistique officielle n’existe, l’Association marocaine contre l’avortement clandestin estime "qu’entre 500 à 800 interruptions de grossesse sont pratiquées tous les jours dans le Royaume". Cela ne concerne pas seulement les mères célibataires, mais aussi les couples ayant déjà des enfants.
Selon la gynécologue Touria Skalli, députée du Parti du Progrès et du socialisme (PPS), "la mortalité maternelle ou les complications ne sont pas rares, liées à des blessures de l’utérus, à des hémorragies internes ou à des infections dues à des méthodes artisanales, moins chères qu’un avortement médical". La preuve, sans doute, de l’urgence de la question.
"Pratiquement tous les décès et cas d’incapacités dus aux avortements pourraient être évités par l’éducation sexuelle, l’utilisation de moyens de contraception efficaces, l’accès légal à l’avortement provoqué médicalisé, et à des soins prodigués à temps en cas de complications", confirme un rapport de l’OMS sur la question.
Trois avortements sur quatre pratiqués en Afrique et en Amérique latine ne sont pas sécurisés
Selon un rapportde l'Organisation mondiale pour la Santé
Les grossesses non désirées ont d'autres conséquences : les abandons d'enfants – jusqu'à 150 par jour, affirment des ONG – et les enfants nés de mères célibataires, considérés comme "illégitimes" par la loi. Au Maroc, les relations sexuelles en dehors du mariage restent passibles d'un an de prison ferme et les enfants nés de ces rapports n'ont pas d'état civil.
L'Afrique continent le plus touché par les risques liés à l'avortement
Sur le continent africain, seuls la Tunisie, l’Afrique du Sud, le Cap-Vert et le Mozambique ont légalisé l’interruption volontaire de grossesse. La situation reste bloquée partout ailleurs, en dépit des chiffres dramatiques de l’Organisation mondiale de la santé sur les taux de mortalité maternelle, liée aux IVG clandestines en Afrique.
C'est sur ce continent que les risques d’infection à la suite d’un avortement clandestin sont parmi les plus élevés du monde. Les chiffres de l’OMS sont éloquents : "Sur les six millions d’avortements estimés chaque année à travers le continent africain, seulement 3% se font dans des conditions médicalisées et sûres pour les femmes."
L’ampleur du phénomène est également due au manque de moyens de contraception et au manque de connaissance des jeunes femmes en matière de sexualité.
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