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"Foot et monde arabe" : entre passion, émotion et politique…

Le football a débarqué dans le monde arabe au début du XXe siècle. Une exposition à l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris revient sur un sport qui contribue, à sa façon, à écrire l’histoire dans le Maghreb et en Egypte. 

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un grand-père joue au ballon rond avec des enfants à Taroudant (sud-est du Maroc) en 2018. Photo présentée dans l'exposition "Foot et monde arabe" à l'Institut du monde arabe à Paris. (Joseph Ouechen)

"Dans le monde arabe, le football ne peut être résumé à une victoire ou une équipe. Il est multiple, riche d’histoires humaines, de joueurs de légendes, de moments historiques et d’émotions", peut-on lire à l’entrée de l’exposition de l'IMA. On ne saurait mieux dire. Le foot, sport mondialisé par excellence, appartient aussi aux pays arabes qui l'"ont façonné (…) à leur image: passionné, engagé et talentueux".

L’histoire de ce sport dans ces régions a commencé très tôt au XXe siècle. Notamment avec le joueur Larbi Ben Barek, né en 1914 et mort (dans l’oubli) à Casablanca en 1992. Un joueur, dont le grand Pelé lui-même disait : "Si je suis le roi du football, alors Ben Barek en est le dieu." Il "fut une star de l’équipe de France entre 1938 et 1954", se souvient Libération. Aujourd’hui encore, il détient le record de longévité en sélection tricolore, pour un joueur. Homme à la peau noire, il fut "souvent la cible de propos racistes" dans une France coloniale, précise le cartel de l’exposition qui lui est consacré.

Labi Ben Bareck à l'entraînement en 1958. Photo présentée dans l'exposition "Foot et monde arabe" à l'Institut du monde arabe à Paris. (LEGROS ROBERT / PRESSE SPORTS)

Guerre de libération en Algérie

Dans les années 1950, le foot s’inscrit en Algérie dans la guerre de libération. En 1958, à quelques semaines de la Coupe du monde en Suède, dix joueurs professionnels algériens quittent clandestinement la France pour gagner la Suisse et "constituer l’équipe du Front de libération nationale (FLN)". Et au-delà, la première équipe nationale du pays indépendant.

A côté du symbole politique, l’affaire est un tremblement de terre pour le monde du ballon rond hexagonal. Car ces hommes figurent parmi les "meilleurs joueurs algériens opérant en France", observe un article de Miroir-Sprint reproduit sur un panneau de l’exposition. "Les raisons de leur décision ont été très nettement exposées par (la réponse de l'un des joueurs concernés, Mustapha) Zitouni à un confrère parisien (…) : ‘Si ton pays était en guerre et t’appelait, qu’est-ce que tu ferais ?’ Il ne nous appartient évidemment pas de les juger dans ces colonnes, mais seulement d’exposer les faits, de les expliquer", ajoute l’hebdomadaire sportif. Et de préciser : les dirigeants des clubs concernés "ont déjà évalué la perte probable du capital-transfert représenté par des éléments dûment cotés à la Bourse du professionnalisme"… En clair, une très grosse perte.

Enfants jouant au football dans les rues de Chefchaouen (nord du Maroc). Photo présentée dans l'exposition "Foot et monde arabe" à l'Institut du monde arabe à Paris. (Joseph Ouechen)

Le Maghreb est évidemment terre de foot avec des joueurs d’exception. Tel l’Algérien Rabah Madjer, qui a donné son nom à un geste technique, nommé "la madjer". C’est d’ailleurs avec cette talonnade qu’il a permis à son club, le FC Porto, d’emporter la finale de la Coupe des clubs champions face au Bayern Munich en 1987.

L’Egypte, grande nation de football

Mais comme l’affirme l’exposition, "l'Egypte est incontestablement la plus grande nation de football dans le monde arabe" : elle a gagné la Coupe d’Afrique des nations à sept reprises. En 2018, Mohammed Salah, "pharaon du football égyptien et roi du Liverpool FC" (dixit franceinfo Afrique), a permis à son pays de participer au Mondial grâce à deux buts inscrits contre le Congo.

"Le Caire respire le football dans ses rues, sur les terrains et à travers la passion des supporters, omniprésente dans le quotidien des Cairotes", observe un cartel. Deux grands clubs s’y font concurrence : le Al-Ahly Sporting Club, créé en 1907, et le Zamalek Sporting Club, fondé en 1911. Le premier fut alors assimilé aux classes populaires, le second aux élites coloniales. Chaque match entre les deux équipes est "le théâtre d’une passion qui s’empare" de toute la ville, rapporte l’exposition. Une passion qui devient parfois déraison. Comme à Port-Saïd (nord-est), le 1er février 2012, quand, lors d’une rencontre entre Al-Ahly et le club local Al-Masry Club, la pelouse est envahie et les tribunes prises d’assaut par des supporters. Plus de 72 personnes y ont ainsi trouvé la mort.

Match au Stade international du Caire en 1986. Photo présentée dans l'exposition "Foot et monde arabe" à l'Institut du monde arabe à Paris. (Musée du football mondial de la FIFA)

Les événements de 2011

Le football a joué un rôle important lors des événements révolutionnaires de 2011 dans le monde arabe. A l’image des groupes de supporters dits "ultras" qui ont occupé la place Tahrir au Caire et défendu les manifestants. Au cours des manifestations de décembre 2010-janvier 2011 en Tunisie, "les premiers heurts avec la police sont venus des virages des stades de football. Ils ont ouvert la voie à la contestation avec des slogans anti-gouvernementaux".

En mars 2019, en Algérie, les supporters de foot ont été "au centre de la contestation". Le chant Casa del Mouradia a d’abord été chanté dans le stade Omar Amadi de la capitale. "Il est aujourd’hui l’hymne de la contestation repris par tous les Algériens". Comme quoi la politique n'est jamais très loin du ballon rond...

L'affiche de l'exposition (Institut du monde arabe (IMA))

"Foot et monde arabe, la révolution du ballon rond",
10 avril-1 juillet 2019, à l'Institut du monde arabe (IMA),
1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Place Mohammed-V, 75005 Paris

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