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Que veut Mustapha Adib, l’opposant marocain en grève de la faim devant l’Elysée?

Depuis le dimanche 7 mai 2017, le Franco-Marocain Mustapha Adib a entamé une grève de la faim, à proximité du palais de l’Elysée, à Paris. Cet ex-capitaine de l’armée de l’air marocaine souhaite pouvoir exercer son droit à manifester devant le château du roi du Maroc à Betz, en France. Droit reconnu par la justice française mais contrecarré, explique Mustapha Adib, par un arrêté préfectoral.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Capture d'écran d'un post Facebook de Mustapha Adib mis en ligne le 1er juin 2017. (DR)

Le 2 juin 2017, Mustapha Adib a entamé son 27e jour de grève de la faim à proximité du palais de l’Elysée à Paris. «Je l’ai entamée pour dénoncer la complicité des autorités françaises avec le régime dictatorial marocain. Pourtant, ce que nous voulions à la base (avec le Collectif pour la dénonciation de la dictature au Maroc où il milite, NDLR), c’est dénoncer la dictature marocaine.»
 
Pour comprendre les revendications de l’opposant marocain, hospitalisé à deux reprises depuis le début de sa grève de la faim le 7 mai 2017, il faut remonter en 2012. «Nous voulions manifester durant trois jours devant le palais du roi du Maroc qui se trouve à Betz, dans l’Oise. Nous avons donc fait les déclarations nécessaires à la mairie et à la préfecture le 23 octobre 2012. Mais nous sommes allés de surprise en surprise. La première a été l’arrêté de la mairie, antidaté au 22 octobre, où elle interdisait tout campement. Ensuite, le préfet de l’Oise nous a adressés un arrêté d’interdiction à manifester. Nous avons donc porté plainte au tribunal administratif en 2012.» 


Mustapha Adib, devant le véhicule dans lequel il a entamé une grève de la faim le dimanche 7 mai 2017, à quelques mètres du palais de l'Elysée à Paris.  (DR)

 
Un droit de manifester réaffirmé par la justice en 2014
Un autre incident va renforcer la détermination de l’ex-capitaine de l’armée de l’air marocaine. «Il m’a été interdit en 2013, alors que j’étais accompagné d’une journaliste, de circuler dans le canton de Betz sans aucune explication. Sauf celle de l’existence d’un arrêté que j’ai demandé à voir. En vain. Suite à cette nouvelle interdiction, j’ai entamé une grève de la faim à Betz, dans ma voiture, jusqu’à ce que le ministère de l’Intérieur entre en contact avec mon avocat. Il a demandé à ce dernier de m'inviter à arrêter ou à suspendre ma grève de la faim, contre la promesse de résoudre le problème. Notamment parce que nous étions dans l'attente d'une décision de justice. J’ai fait confiance et j y ai mis fin.» 
 
En 2014, l’arrêté préfectoral, qui lui interdisait de manifester devant le château du roi du Maroc, est annulé par la justice. Mais ce n’est pas pour autant que Mustapha Adib peut exercer son droit à manifester. «Nous avons de nouveau fait des déclarations à manifester devant le château du roi à Betz, en 2015. Mais nous avons été surpris par une nouvelle interdiction, cette fois déguisée. Le préfet nous a dirigés par arrêté vers une autre adresse. Depuis 2015 et jusqu’à ce jour, toutes nos demandes, qui interviennent quand Mohamed VI est sur le territoire français, n’ont pas pu aboutir. Le préfet nous oppose ce fameux arrêté qui nous permet de manifester certes, mais loin du château, en faisant ainsi fi de la décision de justice de 2014.»

Ma déclaration de grève de la faim, et lettre à Mr François Hollande. اعلان عن اضرابي المفتوح عن الطعام، و رسالتي الى فرانسوا هولاند.

Posted by Mustapha Adib on Sunday, May 7, 2017



«La (nouvelle) grève que j’ai entamée, précise Mustapha Adib, s’inscrit dans la continuité de celle que j’avais seulement suspendue en 2013. Mais cette fois-ci, ce n’est pas à Betz, mais devant l’Elysée. Le problème qui se pose aujourd’hui concerne le régime français qui nous empêche de jouir de nos droits fondamentaux, à savoir le droit de manifester, le regroupement familial…» Mustapha Adib explique que depuis 2014 «les autorités françaises n’accordent plus de visa à (sa) mère et à (ses) sœurs». «Ma mère, poursuit-il, elle-même descendante d’un ancien combattant français, venait régulièrement en France depuis les années 70. C'est d'ailleurs avec elle que j'ai séjourné en France quand j'étais enfant.» 
 
Un vieux contentieux avec l'Etat marocain
Né en 1968 au Maroc, Mustapha Adib a fait carrière dans l'armée de l'air marocaine. En 1998, il dénonce sa hiérarchie militaire impliquée dans le détournement de carburant et de divers biens publics. Le courrier qu'il rédige est adressé au futur roi Mohamed VI, alors prince héritier et coordonnateur des bureaux et services de l’Etat-major général des forces armées marocaines.

Une enquête est diligentée et conduit à l'arrestation des coupables. «Mais immédiatement après», raconte Mustapha Adib, «la hiérarchie militaire s’est acharnée contre moi». En 1999, après avoir été séquestré pendant 45 jours, il écope d'une peine de deux ans et demi qu'il purge. En 2000, il reçoit le Prix de l'intégrité décerné par l'ONG Transparency International qui milite contre la corruption dans le monde. En 2003, l'ancien officier finit par s'installer en France où il est naturalisé en 2007.

Mustapha Adib a enclenché sa grève de la faim entre les deux tours de l'élection présidentielle française. «Les gens de l’Elysée qui sont venus me voir le 10 mai 2017 m’ont dit que mon dossier serait traité par la prochaine administration. Le courrier adressé à François Hollande est resté sans réponse. J'en ai adressé un autre au nouveau président français, Emmanuel Macron.» Une missive qui est, pour l'heure, également restée sans réponse.

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