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Négociations climat: l'Afrique propose des solutions concrètes à la planète
Que réclament les Africains pour faire face aux conséquences d'un réchauffement climatique dont ils ne sont pas à l'origine ? Entretien avec Seyni Nafo, le porte-voix du continent africain durant la COP21, que Géopolis suivra durant ce rendez-vous international.
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Quelle sera la position défendue par les Africains durant la COP21?
Il y a trois grands enjeux, un à long terme et deux à court terme. Le premier concerne évidemment l’augmentation des températures moyennes sur la planète. La communauté internationale souhaite la contenir à deux degrés, l'Afrique à 1,5. Car quand la température de la planète augmente de deux degrés, celle de l'Afrique est en hausse de 3 degrés, soit 50% en plus du fait de la masse du continent et de sa localisation entre les tropiques. Pour que nous nous inscrivions dans la bonne trajectoire d'ici 10-20 ans, il faut un dispositif en trois temps : contribuer, évaluer, réajuster/réviser/remplir le fossé. C'est ce qu'on appelle l'adéquation. C'est primordial pour Paris de mettre en place ce mécanisme, autrement nous tournons en rond.
A plus court terme, il y a d'abord l'adaptation parce que nous vivons déjà les impacts du changement climatique. Les besoins (les coûts) en la matière sont évalués entre 7 et 15 milliards de dollars par an. Seulement 2 à 3 milliards sont couverts. L'Afrique est à l'origine de seulement 2,3% des émissions de gaz à effet de serre (l'Afrique du Sud en émet 50%). Nous ne sommes pas responsables du dérèglement climatique. Par conséquent, la question de la prise en charge de ce coût additionnel, qui n'est pas imputable aux Africains, se pose. Le financement de l'adaptation constitue une priorité pour les Africains. Sur les 100 milliards de dollars promis par les pays industrialisés aux pays en développement pour faire face aux effets du réchauffement climatique, nous en serions à 62 milliards, selon les dernières estimations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Quels que soient les chiffres, la part affectée à l'adaptation dans cette enveloppe varie toujours entre 16-18%. Les Africains souhaitent que cette part soit doublée: ce qui nous amènerait à 32% de 100 milliards, soit 32 milliards. Par ailleurs, nous demandons qu'un cinquième de cette somme transite par des mécanismes financiers auxquels nous sommes habitués : le fonds d'adaptation, le fonds vert, le fonds pour les PMA…
Ensuite, nous avons le volet atténuation. L'accès à l'énergie durable est un facteur de développement. L'Afrique a le plus grand potentiel en termes d'énergies renouvelables. Selon l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), le continent peut produire 334 gigawatts par an d'ici 2030. Les chefs d'Etat africains ciblent donc une production de 300 gigawatts. Cette initiative en faveur de la transition énergétique en Afrique a été soutenue, entre autres, par le G7, le G20, la Chine.
De nombreux pays africains ont conditionné, dans leurs contributions (INDCs ou CPDN), leur future politique climatique à du soutien financier. L'argent est un point crucial de la négociation...
Jusqu'à présent, il n'est pas clair. Et ce soutien n'est pas une obligation. C'est un point fondamental de la négociation. Les pays développés ne souhaitent pas, par exemple, qu'il y ait une différenciation entre les Etats après 2020 parce qu'ils estiment que certains pays en développement sont devenus aussi nantis qu'eux. Le Qatar est aujourd'hui plus riche que certaines nations industrialisées. De leur côté, certains pays en développement avancent qu'ils n'ont pas d'obligation financière d'autant qu'ils sont très actifs dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Pour eux, l'obligation financière concerne les pays développés parce qu'elle est liée à la responsabilité historique. Les Chinois ou les Saoudiens, par exemple, ne comptent pas prendre d'engagements financiers parce qu'ils ne se reconnaissent pas une responsabilité historique.
Atteindre l'objectif des 100 milliards promis aux pays les plus vulnérables n'est pas aisé. Mais en plus, vous dites que les véritables besoins se situent entre 4000 et 6000 milliards. Quelle est la solution pour combler cet immense fossé?
Il faut que le monde du climat commence à avoir une conversation avec le monde de la finance internationale. Les instances concernées sont connues : G20, FMI, Banque mondiale, Comité de Bâle, les clubs de fonds de pension, d'institutions de développement, les réunions des banques centrales… C'est là qu'il faut porter le débat.
Pour les Etats-Unis, un texte contraignant ne pourrait pas être validé par le congrès américain. Comment les négociations de Paris pourraient prendre en compte cette contrainte?
Ce qui devrait être probablement contraignant, c'est l'obligation de contribuer tous les cinq ans. Toutes les contributions seraient alors agrégées puis évaluées afin que les ajustements nécessaires soient faits afin que nous soyons sur la bonne trajectoire. Ce qui ne devrait pas être juridiquement contraignant, ce sont les objectifs de réduction. Leur révision constitue une question très complexe dans certains pays. A l'instar des Américains, il n'est pas certain que les députés indiens ou chinois valident ce type de dispositions.
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