Coup d'Etat au Niger : on vous résume un mois de tensions entre la France et le régime militaire au pouvoir en six actes
Il a 48 heures pour quitter le pays. Le régime militaire du Niger, qui a pris le pouvoir après un coup d'Etat le 26 juillet dernier, a décidé, vendredi 25 août, d'expulser Sylvain Itté, l'ambassadeur de France dans le pays. Une mesure lourde de sens, apogée d'un mois de déclarations, de décisions et de manifestations hostiles à la France, depuis le renversement du président élu Mohamed Bazoum, toujours détenu à l'heure actuelle. Franceinfo revient sur les différents épisodes du malaise grandissant entre Paris et Niamey en six actes.
1Paris condamne le coup d'Etat
La France "ne reconnaît pas les autorités" issues du putsch et considère Mohamed Bazoum, "démocratiquement élu", comme "le seul président de la République du Niger", avait déclaré, dès le 28 juillet, le ministère des Affaires étrangères. L'Elysée assure que la France soutient "toutes les initiatives régionales" visant à "la restauration de l'ordre constitutionnel" et au retour du président déchu.
2Des manifestations hostiles à la France
Quatre jours après le coup d'Etat, des centaines de partisans des militaires ayant pris le pouvoir manifestent devant l'ambassade de France à Niamey, le 30 juillet. La plaque "Ambassade de France au Niger" est arrachée de la façade du bâtiment, piétinée et remplacée par des drapeaux russe et nigérien. Les manifestants sont dispersés à l'aide de gaz lacrymogène, mais la junte accuse Paris d'avoir utilisé des armes, ce qu'a catégoriquement démenti le gouvernement français.
Ces manifestations hostiles se déroulent alors que la France est toujours vue comme l'ancienne puissance qui a colonisé le Niger entre 1897 et 1900. "Quiconque s'attaquerait aux ressortissants, à l'armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable", réagit l'Elysée dans la foulée. Selon la présidence, Emmanuel Macron "ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts."
Ce premier épisode ouvre les hostilités entre Paris et Niamey, alors que la France compte sur le Niger pour lutter contre le jihadisme au Sahel.
3Niamey accuse Paris de vouloir intervenir militairement
Quelques jours après avoir chassé du pouvoir Mohamed Bazoum, les militaires nigériens accusent la France de vouloir "intervenir militairement" pour rétablir l'ancien président dans ses fonctions, selon un communiqué lu à la télévision nationale le 31 juillet. "Dans sa ligne de conduite, allant dans le sens de la recherche des voies et moyens pour intervenir militairement au Niger, la France, avec la complicité de certains Nigériens, a tenu une réunion à l'état-major de la Garde nationale du Niger, pour obtenir des autorisations politiques et militaires nécessaires", déclarent les militaires.
4 L'ambassadrice du Niger en France limogée
Les putschistes annoncent, le 3 août, mettre "fin" aux "fonctions" de leurs ambassadeurs du Niger en France, ainsi qu'aux Etats-Unis, au Nigeria et au Togo. L'ambassadrice du Niger en France, Aïchatou Boulama Kané, refuse toutefois d'abandonner son poste. "Je considère [cette décision] comme nulle et non avenue, elle a été prise par un pouvoir illégitime", commente-t-elle alors auprès de l'AFP.
Paris ne reconnaît pas le pouvoir de la junte et estime que la seule autorité légitime au Niger reste dans les mains du président destitué Mohamed Bazoum, élu démocratiquement et détenu au palais présidentiel par les militaires, dans des conditions dénoncées par son entourage.
Au même moment, la junte dénonce "les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense" avec Paris, qui compte 1 500 soldats déployés au Niger. Une décision prise "face à l'attitude désinvolte et à la réaction de la France", selon les mots de la junte. Une mesure également largement ignorée par Paris.
5 Emmanuel Macron défend les interventions militaires françaises au Sahel
Dans un entretien au Point, Emmanuel Macron défend, mercredi 23 août, les interventions militaires françaises au Sahel. "Ces interventions françaises, à la demande des Etats africains, ont été des succès. Elles ont empêché la création de califats à quelques milliers de kilomètres de nos frontières", ajoute Emmanuel Macron. "Si l'on prend de la hauteur, la France a eu raison de s'engager au côté d'Etats africains pour lutter contre le terrorisme. C'est son honneur et sa responsabilité. Si nous ne nous étions pas engagés, avec les opérations Serval puis Barkhane, il n'y aurait, sans doute, plus de Mali, plus de Burkina Faso, je ne suis même pas sûr qu'il y aurait encore le Niger", insiste le chef de l'Etat.
Il appelle une nouvelle fois à la "restauration de l'ordre constitutionnel" au Niger et à la libération du président Mohamed Bazoum. "Ce coup d'Etat est un coup contre la démocratie au Niger, contre le peuple nigérien et contre la lutte antiterrorisme."
6L'ambassadeur français sommé de quitter le pays
Après un mois de tensions entre Paris et Niamey, le régime militaire a décidé vendredi d'expulser l'ambassadeur de France au Niger, lui laissant 48 heures pour partir. Le ministère des Affaires étrangères nigérien a assuré que face "au refus de l'ambassadeur de France à Niamey de répondre à l'invitation (...) pour un entretien" vendredi "et d'autres agissements du gouvernement français contraires aux intérêts du Niger", les autorités "ont décidé de retirer leur agrément à monsieur Sylvain Itté."
Une requête "parfaitement prévisible" selon Michel Galy, professeur de géopolitique à l'école internationale et des relations internationales (Ileri), interrogé sur franceinfo. "Les putschistes n'ont pas autorité pour faire cette demande, l'agrément de l'ambassadeur émanant des seules autorités légitimes nigériennes élues", a rétorqué le Quai d'Orsay à l'AFP. "L'ambassadeur est accrédité auprès du président élu", a abondé sur Twitter Hassoumi Massoudou, chef de la diplomatie de Mohamed Bazoum.
Dans un communiqué diffusé samedi, le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens à l'Extérieur qualifie encore l'ambassadeur de France au Niger de "persona non grata".
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