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Nigeria : Amnesty International dénonce l'inaction face aux viols qui "enhardit les agresseurs"

Ces crimes sont largement sous-estimés au Nigeria, car les victimes hésitent à porter plainte de peur d'être stigmatisées.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Les bâtiments de la Haute Cour de justice du Nigeria à Abuja, la capitale.  (KOLA SULAIMON / AFP)

Dans un récent rapport, Amnesty International dénonce la situation critique dans le domaine des crimes de viol au Nigeria. Selon l’ONG, faute de justice pour les victimes, "le viol persiste à un niveau de crise". "Les violeurs échappent aux poursuites, et des centaines de cas ne sont pas signalés en raison d’une corruption généralisée, de la stigmatisation et du rejet de la faute sur les victimes", précise Amnesty.

Une situation dont se faisait déjà écho la Deutsch Welle dans un article de 2020.  "Officiellement, selon le Bureau nigérian des statistiques, le pays n’enregistre que 2200 cas de viols chaque année pour une population de près de 200 millions d’habitants", écrivait le média allemand.

Dans la même tonalité le quotidien nigérian This Day, parle lui de "fléau du viol". Il évoque deux cas ayant conduit à la mort des victimes. L’une de 13 ans, violée par son oncle et son cousin, une autre de 17 ans violée en bande. Le professeur Joy Ngozi Ezeilo affirme avoir accueilli 641 patients en deux ans dans le centre qu’il a créé. 183 victimes avaient moins de 10 ans ! Selon lui le confinement lors de l’épidémie de coronavirus n’a fait qu’empirer les choses.

"Trois cas sur quatre pas signalés"

Ces crimes sont largement sous-évalués en raison d’une culture du silence largement répandue dans le pays. "La peur de ne pas être crues ou même de se voir reprocher le fait d’avoir été violées, crée une culture du silence dangereuse qui empêche les victimes de demander justice", explique Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International au Nigeria. "Ainsi, environ 77% des cas de viol ne sont pas signalés", renchérit le professeur Ezeilo. "Et ceux qui parviennent à signaler leurs cas n'ont bénéficié d'aucun traitement ou de meilleurs services de la part de la police et d'autres acteurs, y compris les prestataires de soins de santé".

Les choses cependant évoluent, et les signalements pour viol augmentent : 11 200, pour l’année 2020. Une explosion qui a conduit le pays a décréter un "état d’urgence"  sur le viol et les violences. Les autorités ont également promis d’établir un registre des délinquants sexuels. S’il est trop tôt pour en mesurer la portée, la première conséquence est que les signalements pour viol continuent d’augmenter.

Mais le chemin est encore long avant que l’opinion publique reconnaisse enfin le viol comme un crime. Selon un sondage cité par l’agence Reuters, 47% des nigérians imputent le viol à un habillement indécent, et moins de la moitié estimaient que les contrevenants devaient être punis !

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