Nigeria : la torture dénoncée dans un nouveau rapport
Le rapport est alarmant. Dans tout le pays, des centaines suspects, dont la culpabilité n’a pas encore été prouvée, sont détenus par la police ou l’armée et subissent différentes formes de torture physique et psychologique. «Les suspects sont torturés à titre de punition ou pour leur arracher des aveux afin de résoudre plus vite les affaires – en particulier les vols à main armée et les meurtres», explique le rapport.
Rédigé à partir de centaines de témoignages et d’éléments de preuve recueillis pendant 10 ans, le rapport d’Amnesty International dénonce l’institutionnalisation du recours à la torture au sein de la police et les violences systématiques commises par l’armée dans un pays dont la Constitution interdit la torture mais qui n’a toujours pas adopté de législation prohibant cette pratique.
Un climat de totale impunité
Le système judiciaire nigérian ne contient pas de dispositions suffisantes pour empêcher la torture et les autres mauvais traitements. Pourtant, la torture est interdite par la Constitution mais aucune loi n'a encore été adoptée pour l'ériger en infraction. Deux projets de loi en ce sens sont en attente d'examen devant l'Assemblée nationale depuis plus de deux ans.
Par ailleurs, le Nigeria a ratifié de nombreux textes internationaux relatifs aux droits humains qui interdisent le recours à la torture tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et son Protocole facultatif, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples. Il a aussi signé et ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant.
Mais rien n’y fait, les autorités continuent de fermer les yeux sur ces pratiques illégales. Il y a sept ans déjà, le rapporteur spécial des Nations Unies contre la torture concluait que celle-ci était «intrinsèquement liée au mode de fonctionnement de la police au Nigeria» et recommandé qu’elle soit érigée en tant qu’infraction.
Un arsenal de méthodes
Il existe d’ailleurs des «salles de torture» dans de nombreuses branches de la police, telles que la Brigade spéciale de répression des vols (SARS) et le Département des enquêtes pénales (CID). Des pièces spéciales réservées à la torture pendant les interrogatoires. Elles sont le plus souvent affublées de surnoms, tels que le «temple» ou le «théâtre». La torture fait tellement partie du système policier au Nigeria qu’elle est souvent placée sous la responsabilité d'un policier appelé officieusement le «chargé de torture».
Et les méthodes sont effrayantes. Les forces de sécurité nigérianes utilisent une grande variété de méthodes de torture en violation de l'interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements. Après avoir recueilli des informations auprès de plus de 500 victimes, proches des victimes, défenseurs des droits humains, avocats et militaires à travers tout le pays, Amnesty International a recensé plus d’une dizaine d’exemples de mauvais traitements. Parmi eux, les passages à tabac, le viol et autres formes de violences sexuelles, les blessures par balles, l’arrachage des dents et des ongles, la suspension des détenus par les pieds ou en broche, la privation de nourriture, l’obligation de marcher, s’allonger ou de se rouler sur des objets piquants, les décharges électriques notamment sur les parties génitales, l’étranglement jusqu’à la perte de connaissance ou encore la torture à l’eau, brûlante ou gelée.
Encore largement impunies
Dans la plupart des cas d’allégations de torture aux mains de forces de sécurité qu’Amnesty International a étudiés, aucune enquête satisfaisante n’a été menée et rien n’a été fait pour poursuivre en justice les auteurs présumés.
Lorsque des enquêtes internes à la police ou à l’armée sont effectivement ouvertes, leurs conclusions ne sont pas rendues publiques et leurs recommandations sont rarement suivies. Sur les centaines de cas examinés, aucune victime de torture ou d’autres mauvais traitements n’a reçu une indemnisation, ni aucune autre forme de réparation de la part de l’Etat nigérian.
Le gouvernement du Nigeria est conscient du problème et a créé, au cours de ces 10 dernières années, au moins cinq commissions présidentielles et groupes de travail sur la réforme du système judiciaire et l’éradication de la torture. Toutefois, la mise en œuvre des recommandations qui en ont découlé est d’une lenteur décourageante.
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