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Nigeria : le nord-est du pays, région désertée à cause de Boko Haram

Les agriculteurs et pêcheurs déplacés par les attaques des djihadistes de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, demandent désormais à pouvoir rentrer chez eux et reprendre leur travail. Ce qui pourrait contribuer à réduire les graves pénuries alimentaires de la région.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
A Damasak, ville du nord-est du Nigeria, le 25 avril 2017 (AFP - FLORIAN PLAUCHEUR)

L'agriculture et la pêche de subsistance ont toujours été les piliers économiques de cette région reculée des contours du lac Tchad. Mais huit années de violences et de déplacements massifs de population ont détruit toutes ses ressources.

Aujourd'hui, des millions de personnes souffrent de la faim. Et certaines zones de l'Etat du Borno, toujours non accessibles aux organisations humanitaires, pourraient être en situation de famine. Sur les 2,6 millions de personnes déplacées, plusieurs centaines de milliers vivent toujours dans des camps, où elles dépendent presque exclusivement de l'aide humanitaire pour survivre, lorsqu'elles n'ont pas de famille sur place pour les héberger.

«Rentrer chez nous»
Toutefois, les organisations humanitaires ont annoncé dernièrement que les réductions des budget avaient entraîné la révision, voire parfois l'annulation, des programmes alimentaires. Et ce malgré les taux très élevés de malnutrition, notamment chez les enfants.

Pour le directeur du syndicat des pêcheurs, «aucune quantité de nourriture (distribuée par les ONG) ne sera suffisante pour tous nous nourrir». «Le seul moyen d'en finir avec cette famine c'est que nous puissions rentrer chez nous, cultiver et reconstruire nos vies», explique-t-il.

Ibrahim Mammadu, un ancien agriculteur, qui possédait des rizières dans les terres fertiles en bordure du lac, travaille désormais dans une grande exploitation agricole de tomates, pour 13 dollars par mois (11,6 euros). Une somme insuffisante pour nourrir sa famille.

Jeunes filles portant du bois près de la ville de Damasak (nord-est du Nigeria) le 25 avril 2017. (AFP - FLORIAN PLAUCHEUR)

«Si je pouvais retourner dans ma ferme, en un an, tous mes problèmes seraient finis», estime ce père de famille de 35 ans. «Je ne veux plus être pauvre ni dépendant. L'agriculture, c'est tout ce que je sais faire», ajoute-t-il.

Sur les bords du lac Tchad, la terre est si fertile qu'elle pouvait produire un quart du blé nigérian, soit environ 90.000 tonnes par an, jusqu'en 2014 (chiffres officiels). On pêchait aussi 300.000 tonnes de poissons dans le lac. Mais pêche et agriculture ont décliné. Notamment parce que l'armée nigériane soupçonne agriculteurs et pêcheurs de vendre leur production aux insurgés de Boko Haram. Elle craint aussi que ces ressources soient utilisées pour financer le groupe djihadiste.

Kamai Nkike, coordinateur pour l'Institut international d'agriculture tropicale (IITA), estime que l'activité n'a pas repris depuis environ trois saisons des pluies consécutives. La prochaine, qui commence tout juste, ne donnera rien non plus. «Cela est devenu quasiment impossible désormais de retourner aux champs dans le nord du Borno», constate-t-il.

Famine imminente
Selon les Nations unies, près de 2 millions de personnes se trouvent dans une situation de famine imminente. Et 5,2 millions auront besoin d'assistance d'ici le mois d'août. En début d'année, l'organisation internationale avait demandé aux donateurs de fournir un milliard de dollars. Mais pour l'instant, elle n'a reçu qu'un quart de cette somme.

Elizabeth Bryant, du Programme Alimentaire Mondial (PAM) en Afrique de l'Ouest, regrette que ce manque de financements survienne «pendant la saison des pluies, le pire moment».

La situation est également aggravée par le retour en masse de 12.000 personnes qui s’étaient réfugiés au Cameroun.

Le PAM, qui avait prévu de porter une assistance alimentaire à 1,8 million de personnes, a revu son programme à la baisse, avec seulement 1,3 million. «Nous visons désormais les groupes les plus vulnérables: les moins de 2 ans, plutôt que les moins de 5 ans», explique Mme Bryant. «Et nous distribuons des moitiés de rations.», ajoute-t-elle.

​Militaire nigérian montant la garde près de la ville de Damasak, à la frontière avec le Niger, le 25 avril 2017.  (AFP - FLORIAN PLAUCHEUR)

Et la sécurité ?
Le retour des déplacés chez eux dépendra surtout du niveau de sécurité dans la région. Le gouvernement et l'armée nigérians assurent que le calme est revenu. Mais le manque d'accès à de nombreux territoires, ainsi que les attaques contre les villages, viennent régulièrement démentir leurs annonces triomphalistes.

Le 20 mai 2017, les djihadistes ont abattu six agriculteurs qui travaillaient dans leurs champs, à proximité de Maiduguri, la capitale du Borno. Mais dans leur grande majorité, la plupart des attaques restent inconnues: le manque de communication et d'accessibilité rend leur recensement exhaustif impossible.

Pour le représentant de l'IITA, les efforts pour relancer l'agriculture devraient aujourd'hui se concentrer dans le sud du Borno, plus calme. «En attendant que la paix revienne dans la région du lac Tchad», ajoute-t-il.

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