14-18: comment la France et le Royaume-Uni ont agrandi leur empire en Afrique
L’Allemagne de Bismark s’était longtemps opposée à la colonisation. Résultat à la veille de la guerre de 14, ses possessions africaines, qui avaient pour nom Kamerun (Cameroun), Togoland (Togo),Süd-West Africa (Namibie) et Deutsch-Ost Africa (Tanzanie), faisaient figure de confettis en comparaison de celles de ses ennemis, France et Royaume-Uni notamment. Le premier conflit mondial accentuera encore la domination anglo-française sur le continent.
Dès le début de la Première guerre mondiale, Français et Britanniques font de leur empire un atout militaire, important matériaux et des centaines de milliers d’hommes, alors que l’Allemagne ne fait «pas venir un seul soldat des colonies allemandes, ni la moindre marchandise stratégique», selon l’historien allemand Michael Pesek.
En Namibie, la colonie allemande (qui au début du XXe siècle a pratriqué un génocide) est rapidement prise par les troupes sud-africaines de l’empire britannique. Les combats cessent le 9 juillet 1915, non sans que cet engagement ne suscite une dernière révolte des Boers.
Pourtant, précise l'historien allemand Michael Pesek, «la garnison allemande ne faisait pas le poids sur le papier face à une coalition anglo-portugo-belge. (...) Un débarquement de plus de 8000 soldats dans la ville portuaire de Tanga, au nord, en novembre 1914, s’était achevé sur un désastre. Lorsque le général sud-africain Jan Smuts lança son offensive, le 12 février 1916, les Alliés disposaient de plus de 70.000 soldats indiens, britanniques et sud-africains. Face à eux, côté allemand, environ 14.000 hommes, majoritairement originaires d’Afrique orientale», des soldats appelés les Askaris.
Cette guerre, largement méconnue (si on excepte le très romantique African Queen, film réunissant Humphrey Bogart et Katharine Hepburn de John Huston ou le roman de William Boyd Comme neige au soleil), est cependant sanglante. Selon des historiens, plus de 45.000 habitants de ce qui est aujourd'hui le Kenya seront tués, soit environ 12% des hommes du pays à l'époque. Un nombre sous-évalué, affirment même certains. Aucun chiffre n'existe sur le nombre d'Africains tués dans les rangs des troupes allemandes qui recrutaient dans leur colonie est-africaine, comprenant alors le Tanganyika – l'actuelle partie continentale de la Tanzanie – et les actuels Rwanda et Burundi.
Dans cette région, la guerre continue même après le 11 novembre 1918, puisque Lettow-Vorbeck ne se rend aux forces britanniques que le 23 novembre.
«Des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes»
La guerre en Afrique n’a en rien ressemblé aux massacres des tranchées qui ont symbolisé la guerre de 14-18. En Afrique, les forces en présence étaient très faibles, les espaces immenses et les armements limités, notamment dans l'utilisation de l'artillerie.
Comme nous l’avons déjà vu, le manque d’infrastructures et les difficultés du terrain étaient en partie compensés par l’emploi massif de porteurs africains. «A la fin de la guerre, ce sont environ 100.000 porteurs qui étaient morts d’épuisement, de maladies et de faim. Quelques historiens font même des estimations allant jusqu’à 300.000 victimes», selon Michael Pesek. En revanche, les pertes militaires de soldats coloniaux furent relativement limitées. Les chiffres les plus extrêmes évoquent quelques milliers de soldats britanniques (jusqu’à 20.000) et environ 2000 Allemands.
Après la guerre, les colonies allemandes sont donc confiées à la SDN, l’ancêtre de l’ONU… qui les rétrocède aux puissances coloniales qui sont sorties vainqueurs de la guerre sous le prétexte que les ex-territoires allemands sont «habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne» (article 22 de la SDN).
La SDN revendique la mission civilisatrice des colonisateurs: «Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation (...). La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d'assumer cette responsabilité». La Belgique se voit attribuer le «Ruanda-Urundi», la France une partie du Cameroun et du Togo qu’elle partage avec le Royaume-Uni, qui récupère aussi le Sud-Ouest africain (Namibie) passé sous la domination de l’Afrique du Sud et le Tanganyika (aujourd’hui Tanzanie).
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