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À vrai dire. RDC : y a-t-il vraiment eu un génocide dans l'est du Congo ces 25 dernières années ?

Publié
Temps de lecture : 4min
Article rédigé par TV5MONDE - Antoine Fonteneau
France Télévisions

Le Kivu est l'un des territoires qui ont connu le plus d'atrocités depuis la Seconde guerre mondiale. Dans l'Est du Congo-Kinshasa, les guerres, les viols, les maladies ont sans doute fait plusieurs millions de victimes. Certains militent pour qu'un génocide soit reconnu officiellement.

Le mot de génocide a été utilisé il y a quelques jours encore par l'un des candidats à la présidentielle en République Démocratique du Congo, Martin Fayulu. Il promet même une cour pénale spéciale s'il est élu.

Le reconnaissance d'un génocide est réclamée par des personnalités et par des centaines d'internautes sur les réseaux sociaux.

Pourquoi autant de massacres ?

La situation dans l'est de la RDC a tourné au massacre il y a plus de 20 ans. Depuis, elle n'a été qu'une succession de guerres et de violations des droits de l'Homme.

En 1994, c'est la fin du génocide des Tutsis dans le pays voisin, le Rwanda. Des Hutus traversent la frontière, se réfugient au Congo, précisément dans la région du Kivu.

Des centaines de milliers d'entre eux sont alors massacrés par l'armée rwandaise envoyée à leurs trousses et par une rébellion congolaise qui se soulève contre le président d'alors, Mobutu.

Deux guerres se succèdent ensuite entre 1996 et 2003. Aux conflits éthniques s'ajoute la guerre économique. Le Kivu renferme de très importantes réserves de minerais, comme le coltan, utilisé dans les téléphones mobiles. Les trafics sont partout.

Les exécutions, les viols, les pillages sont quasi quotidiens.

L'intervention d'une mission des Nations Unies, la Monusco, a été inefficace.

Aujourd'hui, encore, l'est de la RDC compte des centaines de groupes armés. Les plus violents s'appellent les M23, les FDLR, les ADF ou les groupes d'auto-défense, les maï-maï.

Combien de victimes ?

Au final, ces conflits successifs ont coûté la vie à plusieurs milliers, voire plusieurs millions de personnes. Les évaluations sont très variables et très compliquées à faire. 

Une ONG américaine, International Rescue Committee, avait chiffré à 5,4 millions de morts le bilan des combats au Kivu sur la période 1998-2007. 

Jason Stearns, directeur du Groupe d'étude sur le Congo (New York) explique ce chiffre très important :

"Pour la plupart, ce sont des gens qui ne sont pas morts pour des causes violentes, ce sont des gens qui ont été déplacés par la guerre ou qui ont souffert parce que le système de santé a été affaibli par la guerre. Et donc, ce sont des gens qui sont morts de maladies facilement traitables : diarrhée, malaria... Ils  ne sont pas morts une arme à la tête, ce n'est pas un groupe armé qui les a tué -ça c'est la très grande minorité des cas. Pour la plupart, ce sont des gens qui sont morts à cause des conséquences secondaires du conflit."

Un chiffre très large qui a été contesté par des démographes belges en 2008. Néanmoins, la plupart des experts parlent de plusieurs millions de morts.

Qu'est-ce qu'un génocide ?

Personne ne conteste les atrocités commises depuis près de 25 ans au Kivu.  Les historiens rechignent toutefois à faire entrer ces massacres dans la case d'un génocide.

Voici la définition établie par l'ONU en 1948 : "le génocide est un crime contre l'humanité tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux."

Pour Tumba Shango Lokoho, professeur d'histoire à l'université Paris Sorbonne,  "dans tout génocide, il y a l'intention volontaire d'exterminer systématiquement une population, un groupe de personnes. Or, dans le cas d'espèce, ce sont plutôt des massacres liés à la guerre et qui peuvent relever de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Ce serait plus exact de les qualifier de cette manière-là."

Génocide ou crime contre l'humanité, les deux termes montrent en tout cas l'ampleur des massacres au Kivu. Des mots qui pourtant n'ont jamais vraiment réussi à mobiliser une opinion internationale presque indifférente.

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