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Afrique du Sud : à cause du coronavirus, "c'est la guerre" pour se nourrir dans les townships

Le confinement, lié à la pandémie, a aggravé la situation alimentaire de nombreux Sud-Africains.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas - Avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des habitants du township de Mitchells Plain, près du Cap, s'enfuient à l'arrivée d'un véhicule de police pendant des heurts avec les forces de l'ordre le 14 avril 2020. (RODGER BOSCH / AFP)

Dans l'Afrique du Sud confinée, des heurts avec la police et des pillages éclatent dans des quartiers pauvres où les habitants ont faim. L'Afrique du Sud est le pays d'Afrique subsaharienne le plus touché par la pandémie de coronavirus, avec près de 2 800 cas d'infection et 50 décès (pour une population de 56,7 millions d'habitants en 2017).

"M. le président, nous traversons une crise alimentaire. C'est la guerre ici", prévient Joanie Fredericks, militante associative dans une vidéo coup de poing, postée sur les réseaux sociaux, dans laquelle elle s'adresse au président sud-africain, Cyril Ramaphosa. "Des personnes ont vandalisé des commerces. Ils ont attaqué des gens. La seule raison, c'est qu'ils ont faim", poursuit-elle. 

(Traduction : "Cher Cyril Ramaphosa, les personnes au service des communautés vulnérables sur le terrain ont besoin de votre aide. L'aide promise n'est pas arrivée et les balles en caoutchouc (des forces de l'ordre, NDLR) sont inefficaces contre la faim")

Des habitants de la banlieue de Mitchells Plain (considérée comme l'un des plus grands townships du pays) où elle vit, près du Cap (sud-ouest), frustrés de ne pas recevoir de nourriture de la part du gouvernement, ont brûlé des pneus et lancé des pierres sur la police. Celle-ci a riposté par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène. A quelques kilomètres de là, des agents de sécurité privés, impuissants, n'ont pu que regarder des dizaines de jeunes gens dévaliser un supermarché.

En Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent, 20% des foyers ont déjà, en temps normal, un accès insuffisant à la nourriture, selon l'Office national des statistiques. La situation s'est brusquement détériorée avec le confinement anti-coronavirus en vigueur depuis trois semaines, prolongé par Cyril Ramaphosa jusqu'à fin avril 2020.

Résultat : de nombreux habitants des townships et bidonvilles ont perdu du jour au lendemain emplois et revenus.

Colis alimentaires

Dans ce contexte explosif, les experts mettent en garde contre le risque d'une flambée de violence. "Comme certains ne reçoivent pas de colis alimentaires et entendent parler d'autres personnes qui, eux, en reçoivent, ils commencent à réagir", constate Julian May, directeur du Centre d'excellence pour la sécurité alimentaire de l'Université du Cap-Occidental, cité par l'AFP. "A moins d'une distribution rapide de nourriture pour les habitants des quartiers pauvres", la situation ne devrait pas s'améliorer, prévient l'universitaire. 

Les autorités ont bien mis en place des opérations de distribution d'aliments pour les plus vulnérables. Mais de nombreux Sud-Africains tardent à recevoir ces colis pourtant vitaux, comme dans la région du Cap. "Quand on regarde les infos, on voit qu'on distribue des choses dans différentes zones de notre province, mais pas à Tafelsig", un quartier de Mitchells Plain, a expliqué à l'AFP la présidente d'une association locale, Liezl Manual.

On ne doit pas avoir à choisir entre mourir du Covid-19 ou mourir de faim

La militante associative Joanie Fredericks

Le gouvernement est "efficace quand il s'agit de donner de l'argent liquide", il "ne l'est pas quand il s'agit de distribuer de la nourriture", estime l'universitaire Julian May. La ministre du Développement social, Lindiwe Zulu, a promis d'améliorer la distribution alimentaire. Au cours de la seule première semaine d'avril, un total de 48 441 colis de nourriture ont été livrés. 

"Pourquoi nous devrions avoir très, très peur"

Sans surprise, le confinement a une fois de plus mis en lumière les très fortes inégalités de la société sud-africaine. Et ce alors même que le pays possède l'un des plus importants régimes de sécurité sociale du continent : il octroie des aides financières à 18 millions de personnes vulnérables chaque mois, rapporte le service anglais de l'AFP cité par le Daily Mail. "Certains d'entre nous restent à la maison et engraissent, pendant que d'autres n'ont vraiment rien", résume Julian May. 

Si le peuple n'arrive pas à trouver de la nourriture, il y a une forte probabilité de conflits violents, y compris de pillages à grande échelle

L'Institut sud-africain de la terre Plaas (Université du Cap-Occidental)

Article publié sur son site internet

Titre de l'article publié sur le site internet de Plaas : La nourriture à l'heure du coronavirus. Pourquoi nous devrions avoir très, très peur"...

Plaas s'inquiète par ailleurs de la répression menée par les forces de sécurité. "Si la police et l'armée décident d'user de la force pour faire appliquer le confinement (...) comme cela a été le cas ces derniers jours, la légitimité du confinement risque d'être remise en cause, avec des conséquences sanitaires désastreuses"...

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