Afrique du Sud: Areva et Thales dans la tourmente du procès de Jacob Zuma
Sébastien de Montessus, l’ancien directeur des mines d’Areva, a été mis en examen le 29 mars 2018 pour «corruption d'agent public étranger», «corruption privée» et «abus de confiance», dans l'affaire Uramin (des faits qu'il conteste). Areva, devenu depuis Orano, avait déboursé 1,8 milliard d'euros pour acquérir les mines africaines du canadien Uramin, mais l'exploitation des trois gisements situés en Namibe, en Afrique du Sud et en Centrafrique s'est révélée catastrophique. L'opération a provoqué un énorme gouffre financier (2,6 milliards d'euros) et contribué à la chute du groupe nucléaire français.
Dossier Uramin
Les juges s'interrogent également sur d'éventuels détournements de fonds, à l’occasion de deux contrats dans lesquels Areva a déboursé 6,9 millions de dollars en 2009 et 2010 en faveur du groupe minier namibien United Africa Group (UAG). Et aussi sur des versements mensuels de 10.000 dollars en 2008 et 2009 au ministre namibien du Commerce et de l'Industrie de l'époque, l'actuel président Hage Geingob.
Démenti du président namibien
Des soupçons que le président namibien a fermement démenti lundi 9 avril 2018: «Les accusations de corruption visent la conduite des propriétaires d'Areva ou d’Uramin et n'impliquent en rien le Dr Geingob ou le gouvernement de la République de Namibie», a écrit l'avocat du chef de l'Etat, Sisa Namandje.
Dans un courrier, dont l'AFP a obtenu une copie, son avocat explique que ces sommes avaient été payées à M.Geingob pour «un travail de conseil à Uramin» effectué avant sa nomination au poste de ministre du Commerce et de l'Industrie en 2008.
«Il n'y a aucun lien entre le surcoût de la transaction entre Areva et Uramin et les services fournis par HG consultants (son entreprise de conseil)», a insisté Me Namandje.
Réacteurs nucléaires sud-africains
En fait, l’argent servant à l’achat de la mine namibienne aurait pu se retrouver en Afrique du Sud. Selon le journal sud-africain Mail & Guardian, le groupe Areva aurait sciemment surpayé Uramin pour financer des proches du pouvoir sud-africain de l’époque, dans l’espoir de construire plusieurs réacteurs nucléaires EPR en Afrique du Sud.
Ce n’est pas le seul «contrat de corruption» qui implique une entreprise française en Afrique du Sud. L’ancien président sud-africain Jacob Zuma est soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin en marge d’un important contrat d’armement de 4,2 milliards d’euros signé en 1999 (alors qu’il était vice-président) avec l’entreprise française Thomson-CSF (Thales depuis 2000).
Contrat d'armement
Le 5 avril 2018, un ancien avocat du groupe français, Ajay Sooklal, affirmait dans le journal Le Monde que l'ex-président sud-africain aurait touché plus de 4 millions de rands (280.000 euros) de pots-de-vin pour protéger les intérêts de Thales, alors menacé de poursuites pour corruption.
L'avocat, qui a suivi au plus près pendant six ans toutes les péripéties du dossier, évoque des interventions diplomatiques au plus haut niveau des présidents (Chirac et Sarkozy), des pressions politiques et de petits arrangements entre parties. Ajay Sooklal, qui se dit choqué par l'impunité dont M.Zuma et son ancien client (Thales) ont bénéficié, a décidé de rompre le silence.
Lors de son futur procès, repoussé au 8 juin 2018, l'ancien président Zuma fera face à seize chefs d'inculpation, a déclaré le porte parole de l'Autorité nationale des poursuites Luvuy Mfaku. Douze chefs d'inculpation concernent des fraudes, un du racket, deux de la corruption et un du blanchiment d'argent.
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