Cet article date de plus de quatre ans.

En Ethiopie, les manifestations se multiplient contre le gouvernement d'Abiy Ahmed

Au moins 10 manifestants ont été tués dans des heurts avec les forces de l'ordre dans le sud du pays, le lundi 10 août.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un véhicule et un bâtiment incendiés lors d'une manifestation le 12 juillet 2020 à Shashamene en Ethiopie, suite à l'assassinat du chanteur Hachalu Hundessa. (- / AFP)

Les forces de l'ordre ont abattu au moins 6 personnes à Boditi lundi 10 août, dont un enfant de 14 ans. Et 34 manifestants ont été blessés. D'autres décès par balle (quatre avérés) ont été constatés à l'hôpital de la ville de Sodo. Les manifestants réclament une région autonome pour leur groupe ethnique et protestent contre l'arrestation de leaders du mouvement.

Comme beaucoup le craignaient, la création d'un nouvel Etat, le Sidama, suite au référendum du 20 novembre 2019, pousse d'autres ethnies à réclamer le leur. Le Sidama est, depuis le mois de juin, le dixième Etat d'Ethiopie, répondant à cette constante éthiopienne qu'un Etat se constitue autour d'une ethnie.

Les revendications ethniques se multiplient

Les Wolaitas, qui eux aussi vivent dans l'Etat multi-ethnique de la Région des Peuples et des Nations du Sud, revendiquent depuis longtemps un Etat autonome. Ils sont la seconde composante au nombre d'habitants de la région. Les militants pensent qu'un Etat autonome renforcerait la sécurité des populations, et que celles-ci profiteraient d'avantage des ressources fiscales. Mais pour l'heure, le pouvoir d'Addis Abeba ne veut rien entendre, et envoie ses troupes face aux manifestants.

"Dans un pays où il existe plus de 80 groupes ethniques, la solution territoriale n’est pas envisageable. Tous les groupes ethniques ne peuvent pas avoir leur propre État", écrit Yonatan Fessha, professeur de Droit public à l'université du Cap occidental. Mais ce constat, reconnaît-il, annonce un futur très agité pour l'Ethiopie et des choix compliqués à faire.

Abiy de plus en plus contesté

Le premier ministre Abiy Ahmed semblait être l'homme à la hauteur de l'enjeu, quand il est arrivé au pouvoir en 2018. Nobélisé en 2019 pour avoir négocié la paix avec son voisin érythréen, sa médaille a depuis sensiblement pâli. Ainsi selon Amnesty International, cinq Etats sont en proie à des violences, le plus souvent d'origine ethnique.

Déjà en juin dernier, l'assassinat d'un chanteur et activiste oromo très populaire, Hachalu Hundessa, avait provoqué des émeutes dans toute la région d'Oromia. En tout près de 50 personnes auraient été tuées selon un décompte officieux.

"Sa mort a déclenché un mécontentement croissant au sein de sa communauté à propos de la vision nationale du Premier ministre Abiy Ahmed pour le pays", écrit le site internet Ayyaantuu. On lui reproche en fait de réduire le poids du gouvernement régional et de ses prérogatives, au détriment de la culture et de la tradition Oromo. Les arrestations d'opposants se multiplient, et le peuple Oromo semble particulièrement visé.

(Cela fait maintenant plus d'un mois que mon père le docteur Shigut Geleta est détenu quelque part à Addis par les forces de sécurité éthiopennes. Personne ne l'a vu depuis. Nos proches le cherchent désespérément partout chaque jour. Etre un Oromo n'est pas un crime.)

Le coronavirus s'en mêle

L'épidémie du coronavirus n'arrange rien à l'affaire. D'abord, elle a mis un sérieux coup de frein à la flamboyante économie éthiopienne. La croissance prévue ne sera plus que de 3,2 % cette année, soit la plus faible depuis 2004 !

Ensuite elle a imposé au premier ministre de reporter les élections nationales et régionales prévues en fin d'année. Un report sine die qui égratigne un peu plus l'image d'Abiy Ahmed, accusé d'exercer un pouvoir de plus en plus autoritaire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.