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L'Ethiopie et l'Erythrée se réconcilient aussi dans les airs

Champagne et roses rouges ont été offerts aux passagers du premier vol commercial depuis vingt ans entre Addis Abeba et Asmara, les deux capitales encore ennemies il y a six semaines. La demande a été telle que la compagnie Ethiopian Airlines a affrété deux avions. Baptisés «oiseaux de paix», ils ont décollé le 18 juillet 2018 après une cérémonie célébrant le dégel entre l'Ethiopie et l'Erythrée.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Selfie à bord du premier vol commercial depuis vingt ans entre l'Ethiopie et l'Erythrée qui s'est posé à Asmara en provenance d'Addis Abeba, le 18 juillet 2018. (Maheder HAILESELASSIE TADESE / AFP)

Ce 18 juillet 2018 marque une nouvelle étape de la réconciliation spectaculaire entre les anciens «frères ennemis» de la Corne de l'Afrique, avec la reprise d'une liaison aérienne commerciale.

«Ce jour représente un événement unique dans l'histoire de l'Ethiopie et de l'Erythrée», a commenté le directeur général d'Ethiopian Airlines, Tewolde GebreMariam, se félicitant de «l'enthousiasme des gens» qui se pressaient pour monter à bord des deux avions à destination d'Asmara, capitale de l'Erythrée.

Vers un règlement du conflit frontalier
Jadis province de l'Ethiopie, l'Erythrée a fait sécession en 1993 après une trentaine d'années de guerre. Un conflit territorial sur la frontière a suivi la déclaration d'indépendance, débouchant sur un conflit qui fit quelque 80.000 morts en 1998-2000. Le conflit a ensuite été prolongé par une longue période d'hostilité qui vient tout juste de s'achever.

Courant juin 2018, le nouveau Premier ministre éthiopien, le réformateur Abiy Ahmed, 42 ans, avait créé la surprise en déclarant accepter un règlement du conflit frontalier datant de 2002. Début juillet, il s'est rendu en visite officielle à Asmara où il a signé avec le président érythréen Issaias Afeworki, 72 ans, une déclaration mettant officiellement fin à vingt ans d'état de guerre.

Rouverture de l'ambassade d'Erythrée
De son côté, le président Afeworki, héros de l'indépendance devenu tyran, en visite officielle en Ethiopie pendant trois jours mi-juillet, a rouvert l'ambassade d'Erythrée à Addis Abeba.

L'Ethiopie et l'Erythrée avaient expulsé leurs diplomates respectifs au début de la guerre qui les a opposées entre 1998 et 2000, notamment en raison d'un désaccord sur leur frontière commune. 
 
Le 16 juillet 2018, le président érythréen Issaias Afeworki (à droite) a reçu des mains du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed les clés de l'ambassade, située dans le centre d'Addis Abeba. Le bâtiment est encore rempli de vieux meubles et de voitures couverts de poussière, auxquels personne n'a apparemment touché depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, il y a vingt ans. (Tiksa NEGERI / REUTERS)


Des familles séparées par la frontière vont pouvoir se retrouver
Ethiopian Airlines, l'une des compagnies d'Afrique à la plus forte croissance, a déclaré vouloir assurer dans un premier temps un aller-retour quotidien entre Addis Abeba et Asmara.

Mais «en raison de la demande que nous constatons, je pense que nous allons porter la fréquence à deux vols par jour, trois par jour et même plus», a assuré le PDG.

Selon son analyse, l'ouverture de l'espace aérien de l'Erythrée à Ethiopian Airlines devrait aussi se traduire par de meilleures liaisons avec le Moyen-Orient.
 
Autre signe de concorde: parmi les passagers du vol inaugural se trouvait l'ex-Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, un homme très controversé dont la démission en février a ouvert la voie à une série de bouleversements dans la politique de l'Ethiopie et plus largement dans la Corne de l'Afrique sous la conduite de son successeur, Abiy Ahmed.

Le rapprochement a été bien accueilli en Ethiopie où la population partage des liens culturels étroits avec les Erythréens et où des familles sont séparées de leurs proches, de l'autre côté de la frontière.
 
Des retombées économiques attendues des deux côtés
Décrit comme «un homme très pressé», M.Abiy, ancien officier et ancien ministre, a entrepris de libéraliser une partie de l'économie de son pays et de libérer des dissidents, avant de se lancer dans une normalisation des relations avec l'Erythrée.
 
Le processus devrait en toute logique se traduire par une dynamique économique pour les deux nations, rouvrant notamment à l'Ethiopie un accès à la mer via les ports érythréens. Un accès qu'Asmara pourrait faire payer à son voisin. L'Ethiopie doit aujourd'hui faire transiter son commerce par les ports de Djibouti.

Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, doté de la croissance la plus dynamique du continent, l’Ethiopie représente un marché attrayant pour l‘Erythrée, dont 80% de la population vit encore d’une agriculture de subsistance, selon la Banque mondiale.

L'Erythrée s'ouvrira-t-elle au monde ?
Enfin, le dégel des relations bilatérales relance l'espoir que des changements se produiront également en Eryhtrée, l'un des régimes les plus fermés du monde

Jusqu'à présent, le président Issaias, accusé de violations des droits de l'Homme, s'est servi de la tension avec le grand voisin pour justifier une politique répressive et l'imposition d'un service militaire à durée indéterminée. La mesure a provoqué l'émigration de centaines de milliers de jeunes Erythréens, notamment vers l'Europe.

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