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La dictature au Tchad fait le lit des rébellions, expliquent deux opposants

L’opposition tchadienne assiste, impuissante, à la nouvelle flambée de violence qui secoue la région désertique du Tibesti, dans le nord du pays. Des combats y ont éclaté le 11 aout 2018 entre un groupe rebelle et l’armée régulière. Pourquoi ce pays reste-t-il empêtré dans des guerres interminables depuis des décennies ? Deux opposants au président tchadien Idriss Deby se sont confiés à Géopolis.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le chef de l'opposition tchadienne Saleh Kebzabo (à gauche) aux côtés de l'opposant Ngarledji Yorongar le 23 avril 2011 lors d'un meeting à N'djamena.
 (Photo AFP/Gael Cogne)

Pour le chef de l’opposition tchadienne, Saleh Kebzabo, la fin des rebellions contre le régime de N'djamena n’est pas pour demain. Et il explique pourquoi.

«Le pouvoir est entre des mains inexpérimentées. Des mains indécentes qui ne peuvent pas faire le travail d’unité et de développement de notre pays. C’est cela qui donne des velléités à ceux qui prennent les armes», confie-t-il à Géopolis.

Saleh Kebzabo dresse un portrait peu reluisant du président tchadien Idriss Déby, l’homme qui dirige son pays d’une main de fer depuis 28 ans.

«C’est un homme sans formation politique, sans culture politique. La seule école où il a été, c’est celle de l’ancien président Hissen Habré, l’école de la dictature. Et c’est ce que nous vivons aujourd’hui... Chaque soir quand il se couche, il se demande comment faire pour dormir et se réveiller président. Et quand il se réveille président, il se demande comment il va faire pour garder le pouvoir dans la journée. Il ne fait que ça», explique le chef de l’opposition tchadienne.

Nouveaux bruits de bottes dans le Tibesti
Après neuf ans d’une accalmie relative, les bruits de bottes se font de nouveau entendre dans le Tibesti. Un groupe rebelle a lancé une violente attaque le 11 août 2018 contre l’armée tchadienne dans cette région désertique du nord du pays, frontalière de la Libye.

Cette nouvelle flambée de violences n’a pas du tout surpris l’opposant tchadien Ngarledji Yorongar, président du parti Fédération, Action pour la République (FAR). Il dénonce un pouvoir clanique qui a mis le pays en coupes réglées.

«Depuis 1975, on va de coup d’Etat en coup d’Etat. Ceux qui les ont perpétrés n’en ont jamais tiré de leçons. Ils ne veulent pas la paix, parce que le désordre leur permet d’en profiter. J’y suis, j’y reste, n’en déplaise à certains. Et ça engendre des rébellions sans fin», explique-t-il à Géopolis.

Ngarledji Yorongar  affirme que les richesses de son pays ont été confisquées par le clan et la famille du président tchadien Idriss Deby.

«Tous les membres de la famille du président s’amusent avec de l’argent public. On prive les petits fonctionnaires de leur pécule, on ampute leurs salaires alors qu’il y a des milliards et des milliards qui dorment dans les banques étrangères à travers le monde. Il suffirait de rapatrier ces sommes d’argent pour régler les problèmes auxquels notre pays est confronté», suggère-t-il.

«Ils n’ont aucun compte à rendre à personne» 
Une gestion «familiale» du pays que dénonce aussi le chef de l’opposition tchadienne Saleh Kebzabo.

«Aujourd’hui, c’est le président et sa femme ainsi que leurs familles respectives qui sont à tous les postes de responsabilité dans le pays surtout aux commandes des régies financières. Ils n’ont aucun compte-à-rendre à personne. Comment voulez-vous que il n’y ait pas de rebellions?»

Saleh Kezbzabo raconte à Géopolis comment l’armée tchadienne n’est plus que l’ombre d’elle-même après avoir été démantelée au profit d’une garde prétorienne suréquipée et surdimensionnée au service du président Idriss Déby.

«C’est une garde prétorienne bien équipée et bien payée. Elle est composée principalement de ses parents, de ses cousins, neveux et autres. Une armée truffée de généraux illettrés», déplore-t-il.

«Les Tchadiens sont épuisés et attendent une délivrance»
Les deux opposants décrivent des populations tchadiennes en plein désarroi. Comment le président tchadien peut-il leur demander de «dormir tranquille» en leur promettant qu’aucune rébellion ne peut plus s’emparer du pouvoir par la force à N'djamena, s’interrogent-t-ils.

«J’aime mieux vous dire que si l’attaque menée par les rebelles le 11 août dans le Tibesti avait continué plus de 24 heures, les gens seraient sortis dans la rue à N'djamena pour exprimer leur soutien. Tellement les gens sont fatigués et épuisés. Ils attendent une délivrance», constate Saleh Kebzabo. 

Les deux opposants tchadiens estiment que le pays ne sortira pas du cercle vicieux de la violence et des rébellions interminables, tant que toutes les forces vives du pays ne se seront pas retrouvées autour d’une table pour dialoguer et mettre en place un système de gestion démocratique acceptable par tous.
 

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