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Le grand jour de la démocratie au Kenya
Au lendemain de la décision de la Cour suprême du Kenya d’invalider le résultat du scrutin présidentiel du 8 août, l’étonnement voire la stupeur demeure. Jeune Afrique titre: «Personne ne s’attendait à une telle décision.» Ce qui résume parfaitement la surprise des observateurs.
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En 2013, la Cour suprême avait déjà eu à statuer sur la validité du scrutin présidentiel. A l’époque, Uhuru Kenyatta l’avait emporté avec 50,03% des voix. Et malgré cet écart insignifiant, la Cour n’avait pas réclamé un nouveau scrutin. Pour beaucoup d’observateurs, cela illustrait l’absence d’indépendance des juges face au pouvoir. «Une décision source de désillusions vis-à-vis de la Cour suprême, dont s’est servie l’opposition en 2017 pour affirmer que les institutions ne permettraient pas d’obtenir un scrutin crédible et transparent», précise à Jeune Afrique Marie-Emmanuelle Pommerolle, directrice de l’Institut français de recherche en Afrique à Nairobi.
Un grand bon pour la démocratie
Or, non seulement la Cour suprême a montré son indépendance, mais le vainqueur, Uhuru Kenyatta, accepte de retourner sur le ring. La cour ne se satisfait pas d’un scrutin où la commission électorale a échoué, «négligeant ou refusant de conduire cette élection dans le cadre de la Constitution». Kenyatta, tout en regrettant la décision des six juges, l’accepte. «Nous respectons cette décision… et de nouveau je dis paix, paix, paix. C’est le sens de la démocratie.»
Le journal The Star salue quant à lui le juge David Maraga et ses trois collègues. Le juge courageux qui a écrit l’histoire du Kenya, titre le journal. Et tous les observateurs insistent sur cette dimension historique. Non seulement un vote discutable est annulé, mais cela ne provoque pas d’effusion de sang. Murithi Mutiga, un analyste de l’International Crisis Group, considère que le Kenya est devenu «une démocratie adulte».
Pas de troisième tour dans la rue
Il faut reconnaître aussi à Raila Odinga, éternel candidat malheureux à la présidentielle, un souci d’apaisement. Il a finalement accepté de jouer la carte du recours juridique, alors que ses supporters descendaient dans la rue. Déjà, une vingtaine de manifestants avaient été tués par la police, et on voyait se réécrire le scénario de 2007: plus de 1100 morts pour une élection contestée.
Une commission électorale dévaluée
Evidemment, la commission électorale (IEBC) va devoir faire le ménage dans ses rangs (lien en Anglais). Pour Raila Odinga, «la commission dans son ensemble est pourrie. Il y a des décisions fondamentales à prendre dans les prochains jours, notamment qui encadrera l’élection.» D’autant que le temps presse, la Cour suprême a réclamé une nouvelle élection dans les 60 jours.
Enfin, les observateurs internationaux ne sortent pas grandis de cette épreuve. Aveugles et sourds, ils avaient même appelé Odinga à accepter sa défaite, rappelle le Guardian. Ils n’avaient pas noté de preuves d’une fraude généralisée. Parmi ces observateurs, il y avait un certain John Kerry, ancien Secrétaire d’Etat américain…
PS: depuis la rédaction de cet article, le président sortant Uhuru Kenyatta a sérieusement refroidi l'ambiance. Il a attaqué les juges de la Cour suprême et rejeté tout changement au sein de la commission électorale. Le prochain scrutin s'annonce on ne peut plus tendu.
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