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Liberté de la presse en RD Congo: un journaliste de RFI poursuivi pour diffamation par un ancien ministre

Le procès de Pascal Mulegwa repoussé au 29 décembre 2020, illustre la difficulté d'informer en RDC, classée au 150ème rang mondial  pour la liberté de la presse.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Le logo de Radio France Internationale (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Il devait comparaitre le 22 décembre, mais son procès a été renvoyé au 29 du mois. Pascal Mulegwa est le correspondant de RFI en République démocratique du Congo. Il est poursuivi en diffamation par le sénateur et ancien ministre des transports José Makila.

Le 20 septembre dernier, le journaliste avait rendu compte sur l'antenne et sur le site de RFI d'un rapport d'une ONG congolaise, l'Observatoire de la dépense publique (ODEP) qui accusait le sénateur José Makila d'avoir détourné de l'argent pour financer sa campagne électorale.

Une source ignorée par la justice

Curieusement, ce mardi 22 décembre, seul le journaliste a été convoqué au tribunal. L'ONG qui est à l'origine de l'accusation envers l'ancien ministre n'a même pas été entendue dans le cadre de ce dossier, selon RFI qui soutient son journaliste.
Le sénateur José Makila accuse le journaliste de lui avoir "publiquement imputé un fait précis de nature à porter atteinte à son honneur", selon la convocation judiciaire."RFI assure avoir proposé à de nombreuses reprises au sénateur José Makila d'exercer son droit de réponse, ce qu'il n'a pas souhaité faire jusqu'ici", ajoute la radio.

Reporters sans frontières soutient également Pascal Mulega. "Nous demandons l’abandon de toutes les charges retenues contre ce journaliste, qui n’a fait que son travail. Il est temps que cesse l’intimidation des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions", a déclaré Pauline Adès-Mével, la porte-parole de RSF dans un communiqué.

40 journalistes arrêtés en 2020

Car la situation de Pascal Mulegwa n'est pas un cas isolé. La République démocratique du Congo occupe la 150 ème place sur 180 pays du classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. Malgré les promesses du président Félix Tshisekedi de "promouvoir la presse pour en faire véritablement un quatrième pouvoir", le travail des journalistes dans le pays est régulièrement empêché. "En 2020, 116 violations de la liberté de la presse ont été enregistrées dans le pays, dont 40 arrestations" précise RSF.

La "légère accalmie", selon les termes de l'ONG Journalistes en danger (JED) constatée en 2019, à l'issue de l'investiture du nouveau président, aura été de courte durée.

Ambiance délétère

Tandis que le procès de Pascal Mulegwa était renvoyé, une autre affaire secoue les média congolais. Le journaliste Piu Romain Rolland, réputé proche de Joseph Kabila, a été arrêté à sa sortie des locaux de l'Union nationale de la presse du Congo (UNPC), mardi 22 décembre.

Il venait d'être entendu par la commission de discipline de la profession, suite à la plainte déposée contre lui pour diffamation par le député national Albert Fabrice Puela. L'UNPC accuse le député d'avoir tendu un piège au journaliste, l'obligeant à comparaitre devant ses pairs afin de pouvoir l'arrêter. Une accusation que ce député du camp Tshisekedi a démentie.

Mais cette ambiance délétère en dit long sur les rapports qu'entretiennent la presse et les hommes politiques dans le pays. Aux accusations de corruption des uns répondent les plaintes pour diffamation des autres. Et au final personne n'y gagne.

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