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Niger : l'Etat islamique dans le grand Sahara s'attaque à la chefferie traditionnelle

Le meurtre de cinq chefs de village en trois jours, par des jihadistes près de la frontière malienne, illustre la stratégie d'éradication de la chefferie traditionnelle au Niger par le groupe Etat islamique dans le grand Sahara. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Photo diffusée par Aamaq, l'agence de presse du groupe Etat islamique, montrant un groupe de jihadistes célébrant l'embuscade contre une patrouille de l'armée nigérienne près de Tongo Tongo le 16 mai 2019. L'attaque avait fait 28 morts dans les rangs des soldats. (HO / AAMAQ NEWS AGENCY)

Cinq chefs traditionnels ont été tués en trois jours par des jihadistes présumés dans le sud-ouest du Niger, près de la frontière malienne, dans la région de Tillabéri en proie à des attaques répétées, ont indiqué le 23 novembre 2019 à l'AFP un député et des villageois.

"Cinq chefs de village de la région de Tillabéri (ouest) ont été tués entre jeudi 21 (novembre) et aujourd'hui (samedi 23 novembre) par des hommes armés. Ils les ont assassinés aussitôt qu'ils les ont enlevés", a expliqué à l'AFP un député de Tillabéri sous couvert de l'anonymat.

"Avant-hier (jeudi 21/11 nuit), trois chefs ont été tués. Et tout de suite, nous venons d'apprendre que deux autres viennent d'être tués, ce qui fait cinq chefs de village tués" en trois jours, a encore déploré le parlementaire.

"Ils s'en prennent à ceux qui ne veulent plus collaborer"

"Dans la nuit de jeudi à vendredi, des assaillants sont venus entre 04h00 et 07h00 locale (03h00 et 06h00 GMT) et ont tué les deux chefs de Tchémoubongou et Zaroum-Daray, puis ont enlevé trois personnes dans d'autres villages dont des chefs", a confirmé le 22 novembre un villageois à l'AFP.

"Nous pensons qu'ils s'en prennent désormais à tous ceux qui ne veulent plus collaborer avec eux", a-t-il ajouté.

"La stratégie de l'EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara) est d'en finir avec la chefferie traditionnelle (très influente au Niger) dans les zones frontalières. C'est une façon de vider la zone de la présence effective de l'Etat à travers cette représentation pour s'installer et imposer sa loi", avait expliqué à l'AFP récemment une source sécuritaire.

Le 13 novembre, Ali Maïnassara, le chef de Boni, un village du département d'Ayérou dans la même région, a été assassiné après avoir été enlevé par des ravisseurs armés, selon ses proches.

Entre avril et juillet 2019, au moins trois chefs traditionnels et quatre responsables touareg ont été tués dans des attaques attribuées à l'EIGS par des sources sécuritaires.

Un chef de village arrêté pour "complicité avec les assaillants"

Les villages ciblés cette semaine par les assaillants sont situés dans le département d'Ouallam, frontalier du Mali, qui abrite également le village de Tongo Tongo où quatre soldats américains et cinq militaires nigériens avaient été tués le 4 octobre 2017 dans une embuscade revendiquée par l'EIGS.

Après l'attaque de Tongo Tongo, les autorités avaient arrêté le chef du village pour "complicité avec les assaillants".

Il a été accusé d'avoir "retardé de quelques minutes une réunion" entre des chefs locaux et une partie des soldats américains, "ce qui a permis l'arrivée des assaillants" et "favorisé l'embuscade" meurtrière, avait affirmé à l'AFP une source sécuritaire.

"Au regard de la situation d'insécurité très aiguë", le ministère nigérien de l'Intérieur avait interdit fin octobre aux ONG internationales tout déplacement sans escorte militaire dans plusieurs zones des régions de Tillabéri et de Tahoua (ouest), victimes d'attaques de groupes jihadistes venus du Mali.

Les attaques jihadistes ont contraint des milliers de civils à fuir leurs villages pour se réfugier plus au sud, selon les ONG. Fin octobre 2019, le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a dénombré 78 044 déplacés internes dans ces deux régions.

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