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Vidéo L'Afrique de l'Ouest gangrenée par le jihadisme

Publié Mis à jour
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Article rédigé par Claude Guibal
Radio France

Le nombre de victimes de la guerre lancée par les jihadistes dans tout l'ouest de l'Afrique se compte désormais par milliers. Une contagion folle qui ne fait que s'accélèrer.

L'Afrique, nouvelle terre du jihad. Depuis le début de l'année, ce sont au moins huit attaques par jour en moyenne qui ont lieu entre le Mali, le Burkina Faso, ou encore le Niger. Des attaques qui dégénèrent en représailles intercommunautaires, comme dimanche 9 juin au Mali, où 95 personnes ont été tuées dans un village dogon, ou au Burkina Faso, où 15 corps ont été retrouvés dans un village du Nord où les violences ont déjà fait presque une centaine de morts depuis le mois d'avril. Le nombre de victimes de la guerre lancée par les jihadistes dans tout l'ouest de l'Afrique se compte désormais par milliers. Une contagion folle qui ne fait que s'accélèrer.

Une zone d'influence étendue à tous les pays du Sahel et d'Afrique subsaharienne

Le jihadisme en Afrique de l'Ouest a commencé son expansion en 2012, lorsque les groupes armés terroristes au sud de l'Algérie ont étendu leur influence au nord du Mali, dans les zones touaregs. Pour stopper leur avancée éclair vers Bamako, la France déclenche l'opération Serval en 2013. Une opération qui a permis de reprendre le contrôle du nord du pays, mais qui est loin d'avoir réglé le problème. Les terroristes chassés se sont au contraire éparpillés et disséminés. Leur zone d'influence s'est étendue à tous les pays du Sahel et d'Afrique subsaharienne : le Niger, la Côte d'Ivoire, la Mauritanie, le Burkina Faso et jusqu'au Bénin avec la prise d'otages de deux Français le 1er mai dernier dans la réserve de la Pendjari, libérés dix jours plus tard par les forces spéciales françaises dans le nord du Burkina Faso lors d'une intervention qui a coûté la vie à deux militaires du commando Hubert.

La sphère jihadiste ouest-africaine se partage entre trois entités principales. Boko Haram, actif dans les pays voisins du lac Tchad, comme le Nigeria, le Cameroun, le Tchad, le Niger. Mais surtout, le groupe Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), en pleine expansion, et son grand rival, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Aqmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique. Tout autour de ces groupes gravite une nébuleuse de centaines de petits groupes terroristes à mi-chemin entre le jihad et le grand banditisme, ce qui donne lieu à des alliances de circonstances et d'intérêts qui se jouent des frontières et permet cette effrayante contagiosité.

Endiguer le jihadisme : un défi colossal 

L'opération Serval lancée en 2013 s'est redéployée à partir de 2014 sous le nom de Barkhane. La France mobilise en tout 4 500 militaires pour tenter de combattre les jidadistes sur un territoire grand comme l'Europe. Un défi colossal qui montre ses limites, puisque loin de s'arrêter, la menace ne fait en réalité que s'étendre. La France essaie de passer le relais aux armées de la région qui sont rassemblées au sein du G5 Sahel. Cinq pays, très peu de moyens, et une force encore très loin d'être opérationnelle. Une goutte d'eau face à des groupes dont la stratégie est de s'étendre en multipliant les fronts.

Le Burkina Faso est dans l'œil du cyclone depuis le renversement du président Blaise Compaoré, en 2014. Les premières attaques commencent l'année suivante contre des cibles locales, représentants de l'Etat, chefs religieux, marchés, positions sécuritaires, ou des cibles occidentales, enlevées ou tuées lors d'attaques d'envergure, comme celle contre un restaurant et un hôtel très fréquentés par les Occidentaux qui fit 30 morts à Ouagadougou en janvier 2016. Ou en 2018 contre l'ambassade de France et le quartier général des forces armées burkinabées. Les victimes se comptent par centaines.

Des groupes opportunistes dans des États affaiblis

Le cas du Burkina est extrêmement représentatif de la façon dont les jihadistes prospèrent en Afrique de l'Ouest. Ils jouent de l'affaiblissement des États, des changements de régime qui entraînent la désorganisation des services de sécurité et le chaos, la faiblesse des armées régionales, et l'abandon par les États africains de pans entiers du territoire, oubliés du développement. Des zones grises aux populations ostracisées, et dont le ressentiment envers les pouvoirs centraux est exploité par les groupes jihadistes.

Ils jouent sur la mauvaise gouvernance, la corruption, la colère des populations locales contre l'État central défaillant, et surtout surfent sur les conflits communautaires qu'ils cherchent à embraser en déclenchant des massacres et leurs cycles de représailles, impliquant notamment la communauté peule, un peuple d'éleveurs nomades, majoritairement musulmans, présents dans toute l'Afrique de l'Ouest où ils sont détestés par les agriculteurs, majoritaires, qui les accusent de détruire les terres et les récoltes au passage de leur bétail. En janvier dernier, 48 personnes selon le gouvernement, et plus de 200 selon la société civile, ont ainsi été tuées lors de représailles contre des Peuls après l'attaque du village de Yirgou, attribuée aux jihadistes.

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