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Pourquoi l’Algérie rend, elle aussi, hommage à Simone Veil
«C’est avec une immense tristesse que j’ai appris la nouvelle du décès de Simone Veil». Au-delà des convenances internationales, en Algérie, le président Bouteflika a adressé un message de condoléances très chaleureux à l’occasion de la mort de Simone Veil. Il est vrai que celle-ci a eu un rôle non négligeable pendant la guerre d’Algérie, en s’investissant dans le sort des prisonniers du FLN.
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«Le peuple algérien a compté Simone Veil parmi les amis de ses justes causes. Il n’oublie pas aussi la proximité et la solidarité que cette grande dame lui a témoignées durant la terrible tragédie nationale qu’il a vécue», a souligné le président Bouteflika. Le numéro Un algérien faisait ici référence à l’action menée par Simone Veil pour les prisonniers algériens durant la guerre d’Algérie (1954-1962).
Cet épisode, peu souligné en France, de la vie fort riche de Simone Veil a visiblement laissé des souvenirs positifs en Algérie. «Sa relation avec l’Algérie, Simone Veil l’a marquée durant la Guerre de libération 1954-1962. Une époque où elle était haut fonctionnaire au ministère français de la Justice, s’occupant des établissements pénitenciers», écrit ainsi le journal La Voix de l’Algérie.
Simone Veil ne fut pas «porteur de valises» ou militante engagée dans le combat du peuple algérien. Mais assurément très marquée par les atrocités qu’elle avait subies au camp d’Auschwitz, Simone Veil prend une part importante dans le sauvetage de prisonniers algériens. Simone Veil connaissait bien le dossier algérien grâce à ses contacts avec Germaine Tillon. «Elle m’ouvrait les yeux sur la réalité du fait colonial» et «les légitimes revendications des Algériens», raconte Simone Veil dans ses mémoire (Une Vie, Editions Stock d'où sont tirées les citations de Simone Veil dans cet article).
Au moment de la Guerre d'Algérie, Simone Veil n'est pas encore connue. Avant d’être une femme politique, elle fut d’abord une magistrate. A ce titre, elle fut affectée à la pénitentiaire. Sa personnalité est repérée par le cabinet du ministre de la Justice de de Gaulle, Edmond Michelet, qui entend surveiller l'application des règles de droit sur le sol algérien dans un climat où l'armée fait régner l'ordre. «Il y a une jeune femme qui a été déportée qui est magistrat à l’administration pénitentiaire (…), vous avez qu’à l’envoyer là-bas. Je suis donc partie seule pour l’Algérie.»
«Des militaires extrémistes projetaient de pénétrer en force dans les prisons»
Simone Veil est donc envoyée visiter les prisons où sont enfermés les détenus algériens du FLN. «Je mentirais en disant que j’ai été accueillie à bras ouverts. Partout, j'ai été si mal reçue par les responsables que j'ai préféré rédiger moi-même mes rapports plutôt que de faire dactylographier par un agent local de la pénitentiaire», raconte-t-elle. On imagine la méfiance qui régnait contre l’envoyée de Paris. Rapidement, Simone Veil se retrouve face à un problème concret. «Fallait-il maintenir dans les prisons algériennes les cinq ou six cents personnes condamnées à mort mais dont le Général avait suspendu l'exécution en 1958? Le bruit courait que des militaires extrémistes projetaient de pénétrer en force dans les prisons pour y "faire justice", comme on dit. Je pris cela très au sérieux.» Les prisonniers furent donc transférer en métropole «et les inquiétudes sur leur sort purent être levées».
«Des conditions ignobles et non justifiées»
Elle s’intéresse aussi aux conditions de détention. «Autres souvenirs pénibles, la rencontre de jeunes terroristes à juste titre détenus mais dans des conditions ignobles et non justifiées», note-t-elle avant d’obtenir le transfert de certains d’entre eux vers la France. Dans le même état d’esprit, «à mon retour, je me suis investie dans la situation de ces Algériens transférés en métropole et plus particulièrement dans celle des femmes. La tâche était difficile. Je m'en suis acquittée de mon mieux, améliorant ce qui pouvait l’être, sensibilisant les directeurs et les gardiens. En particulier j'ai obtenu qu’elles soient regroupées au sein d'un même établissement et puissent y poursuivre des études.»
En Algérie, ces épisodes n'ont pas été oubliés. Le journal El Watan, qui revient sur les rapports entre l'Algérie et Simone Veil, rappelle ce que Gisèle Halimi, avocate pendant la Guerre d'Algérie, disait d'elle: «Au ministère de la Justice, Simone Veil, une petite magistrate déléguée à l'époque, nous a aidés à faire transférer Djamila Boupacha car on voulait l'abattre, là-bas dans sa cellule, pour qu'elle ne parle pas. On l'a arrachée aux griffes de ses assassins.» Du cas de Djamila Boupacha, Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir firent des sévices subies par la militante un cas retentissant.
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