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Présidentielle malgache: un scrutin «pris en otage par le pouvoir de l’argent»

Les Malgaches se rendent aux urnes ce mercredi 7 novembre pour le premier tour de l’élection présidentielle. Parmi les 36 candidats en lice figurent les trois derniers chefs d’Etat de Madagascar considérés comme grands favoris de ce scrutin. Ils ont dominé la campagne électorale qualifiée d’indécente par un de leurs adversaires: Jacques Ratsietison s’est confié à Géopolis.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des milliers de supporters acclament le président sortant Hery Rajaonarimampianina lors de son meeting, le 4 novembre 2018, à Antananarivo. (Photo AFP/Rijasolo)

Jacques Ratsietison ne décolère pas. Il fait partie des 36 candidats qui se disputent le fauteuil présidentiel à Madagascar. Il affirme avoir participé à une campagne électorale scandaleuse qui a montré que la force de l’argent a totalement éclipsé la démocratie dans son pays.

«Il n’y a pas de démocratie à Madagascar, c’est le pouvoir de l’argent qui règne en ce moment», a-t il confié à Géopolis.

Economiste, Jean-Jacques Ratsietison est président de FMI Malagasy. il fait partie des 36 candidats engagés dans la présidentielle 2018 à Madagascar. (Photo.Jean-Jacques Ratietison)

«On a joué sur la misère des gens»
Il en veut pour preuve les sommes astronomiques engagées dans cette course par certains candidats, particulièrement l’ancien président Andry Rajoelina qui a dirigé la Grande Ile de 2009 à 2014.

 «Sa campagne a coûté des sommes indécentes. Des déplacements en hélicoptère et en jet privé. Et des camions équipés d’écrans géants qui ont parcouru tout le pays. Il a payé des milliers de gens à plein temps pendant toute la durée de la campagne électorale. On se demande d'où il sort tout cet argent. S'il avait utilisé tous ces fonds pour faire diminuer la pauvreté, beaucoup de gens auraient été soulagés», s’indigne-t-il.

Jacques Ratsietison affirme avoir assisté à des mises en scène grotesques qui ont pris en otages des milliers de Malgaches accourus pour encaisser de l’argent.

«On a joué sur la misère des gens. Il y a eu beaucoup de spectacles qui ont attiré les gens désireux de toucher de l’argent. La moitié des spectateurs étaient des gamins de 18 ans qui ne vont même pas aller voter», a-t il constaté.

La liste électorale, «une vraie passoire»
Autre raison de la colère de Jacques Ratsietison: une liste électorale gelée depuis le mois de mai 2018. Il affirme que cette liste serait manipulée par la CENI, la Commission électorale nationale indépendante, au profit du candidat Andry Rajoelina.

«J’ai reçu des témoignages de Malgaches qui se plaignent de ne pas figurer sur la liste électorale. Des gens décédés depuis plus de deux ans figurent toujours sur la liste. De nombreux compatriotes n’ont pas reçu leurs cartes électorales. Faute d’avoir été nettoyée, cette liste va incontestablement fausser les résultats des élections. C’est une vraie passoire qu’ils peuvent manipuler à leur envie en remplaçant les personnes comme ils veulent», confie-t-il à Géopolis.

Un supporter de l'ancien président et candidat Andry Rajoelina dans la région de Tulear le 4 novembre 2018. (Photo AFP/Marco Longari)

«La corruption a été institutionnalisée»
Pourquoi, dans ces conditions, Jacques Ratietison s’est-il engagé dans cette course?  Parce qu’il s’en est rendu compte trop tard, explique-t-il.

«Je ne m’en suis inquiété qu’une fois lancé dans la campagne le 8 octobre. Quand j’ai vu tous les moyens qu’ils ont mis en place, je me suis rendu compte que cette élection était tronquée. C’est une élection indécente et pourrie par l’argent.»

Jacques Ratietison redoute une nouvelle crise politique à l’issue de ce scrutin. Pour lui, aucun des trois supposés favoris n’acceptera les résultats du vote s’il perd cette élection. Ce qui risque d’enfoncer davantage le pays dans une instabilité chronique.

«La corruption et l’insécurité qui gangrènent la société malgache sont des conséquences de la pauvreté. La corruption a été institutionnalisée par les trois anciens présidents qui se sont succédé à la tête du pays et qui veulent reconquérir le pouvoir aujourd’hui.»

Jacques Ratietison espère qu’un quatrième candidat sortira du lot pour s’imposer au premier ou au deuxième tour. C’est la seule solution pour changer le système et c’est le principal enjeu de ce scrutin, explique-t-il. Si l’un des trois anciens chefs d’Etat arrive à reprendre le pouvoir, «ce sera le bordel», prévient-il.

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