Cet article date de plus de six ans.

Togo: «Nous allons rester dans les rues, jusqu’au départ de Faure Gnassingbé»

Des milliers de personnes ont à nouveau battu le pavé le 2 décembre 2017, à l’appel de 14 partis d’opposition, dans les rues de Lomé, la capitale du Togo, pour réclamer le départ du président Faure Gnassingbé. Depuis trois mois, les manifestations dans le pays et la répression du pouvoir ont fait au moins 16 morts.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Manifestation à Lomé contre le régime du président Faure Gbassingbé, le 20 septembre 2017. Ce dernier a succédé en 2005 à son père Gbassingbé Eyadéma, resté 38 ans au pouvoir. (REUTERS/Stringer)

Le rassemblement du 21 novembre, qui a réuni 600.000 personnes à Lomé, selon les adversaires du pouvoir, était le troisième de la semaine. «Les manifestations vont se poursuivre jusqu'à satisfaction des revendications que nous avons formulées», a confié à l'AFP Jean-Pierre Fabre, opposant historique et chef de file de l'Alliance nationale pour le changement (ANC).

Les manifestants demandent une limitation du nombre de mandats présidentiels et la démission du président Faure Gnassingbé. Ce dernier est à la tête du Togo depuis la mort, survenue en 2005, de son père, le général Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé sans partage le pays pendant 38 ans.

Un dialogue «d’ici à quelques semaines»
De leur côté, 13 partis d’opposition se sont regroupés dans une coalition à l’appel de Tipki Atchadam, leader du Parti national panafricain (PNP).

Resté silencieux pendant des mois, Faure Gnassingbé a fait savoir qu'un dialogue avec l'opposition devrait avoir lieu «d'ici à quelques semaines». Un processus dans lequel se sont impliqués le président guinéen, Alpha Condé, et son homologue ghanéen, Nana Akufo-Addo.
Le président Faure Gbassingbé (à droite) avec son homologue ivoirien Alexandre Ouattara à Abidjan le 20 novembre 2017.  (ISSOUF SANOGO / AFP)

«Pour le moment, (ceux-ci) s'emploient à faire en sorte que les ''mesures d'apaisement'' soient prises pour que les discussions démarrent», a expliqué Jean-Pierre Fabre.

Les observateurs notent désormais un ton plus conciliant du pouvoir. Lequel n’hésitait pas, il y a quelques mois, à évoquer «des bandes armées et structurées» se livrant à des «actes à visée terroriste».

«Impunité» des forces de l’ordre
Les violences ont débuté à Sokodé (nord), seconde ville du pays et fief de Tipki Atchadam, leader du PNP. Le 19 août, entre deux (selon le pouvoir) et sept (selon l’opposition) personnes y ont été tuées. Deux mois plus tard, le 17 octobre, deux adolescents ont été abattus «par balles» et deux militaires ont été «apparemment lynchés par la foule», rapporte La Croix. Selon un témoin cité par le journal, les forces de l’ordre n’hésitaient pas à frapper «les jeunes pour qu’ils n’aillent pas manifester». «Le mouvement insurrectionnel», dixit le quotidien catholique, s’était alors «propagé à plusieurs autres villes du Nord ainsi qu’à Lomé». Malgré les interdictions de manifester.  

A la suite d’affrontements entre militants du parti au pouvoir (l’Union pour la République) et de l’opposition, le 21 septembre à Mango (Nord), «dès 6 heures du matin, les militaires sont entrés dans les maisons pour frapper des gens et ils ont brûlé des commerces», raconte un témoin cité par Le Monde. «La répression a coûté la vie à quatre personnes, dont un enfant de neuf ans», poursuit-il. Amnesty a rapporté les témoignages de personnes arrêtées à Kara et Lomé déclarant avoir été frappées et insultées pendant leur détention.

«L’approche répressive et liberticide des autorités et l’impunité dont jouissent les forces de sécurité sont susceptibles d’attiser les tensions politiques et d’accélérer la radicalisation de certains manifestants», selon un communiqué de l’organisation internationale, diffusé le 18 octobre.

Confrontés à ces violences, plusieurs centaines de Togolais ont fui au Ghana voisin. Certains de ces réfugiés disent «craindre les infiltrations de miliciens à la solde du pouvoir (de Lomé) ou de militaires en civil, voire des enlèvements ou assassinats ciblés», rapporte Le Monde.

Forces de l'ordre pendant une manifestation à Lomé le 18 octobre 2017. (YANICK FOLLY / AFP)

«50 ans» au pouvoir, «c’est trop !»
Aujourd’hui, avant toute concertation, l'opposition exige la libération des personnes détenues, la levée de «l'état de siège» et de l'interdiction de manifester dans les villes du Nord (Sokodé, Bafilo et Mango). Ainsi que le retour des militaires dans les casernes.

Ce n'est pas la première fois que l'opposition togolaise et le pouvoir engagent des pourparlers, mais ils sont jusqu'à présent restés lettre morte. Pour Adjoa, une revendeuse au grand marché de Lomé citée par l’AFP, «ce prochain dialogue doit être franc et sincère» et tourner autour des «conditions du départ de Faure, maintenant ou en 2020», lors du prochain scrutin présidentiel.

L’Union pour la République a promis de soumettre par référendum une modification de la Constitution. Cette modification limiterait à deux le nombre de mandats d’un même président. Problème: la mesure ne serait pas rétroactive. Ce qui permettrait au chef de l’Etat sortant de se représenter en 2020. Mais aussi en 2025.

Pour autant, les slogans entendus dans les défilés montrent clairement que les manifestants veulent avant tout le départ du départ du dirigeant togolais : «50 ans pour la famille Gnassingbé, c’est trop». Mais aussi leur détermination : «Nous allons rester dans les rues, jusqu’au départ de Faure Gnassingbé». «L’ancien président Gnassingbé Eyadéma avait planifié l’éternité du pouvoir de la famille», observé un réfugié togolais au Ghana cité par Le Monde. Difficile de croire que son fils envisage d’y renoncer facilement.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.